C'est ce qu'on appelle une rencontre du troisième type
Des vaisseaux spatiaux débarquent dans les différentes mégalopoles du monde avec un seul but: exterminer la race humaine...
A l'heure où sa suite débarque sur les écrans français, il était temps de revenir à Independence Day. Nous sommes en 1996 et l'allemand Roland Emmerich commence à se faire une petite réputation dans le cinéma américain. Tout d'abord avec Universal Soldier (1992) où les robotisés Jean Claude Van Damme et Dolph Lundgren se mitraillaient, puis avec Stargate (1994), film au combien sympathique où Kurt Russell et James Spader partaient en Egypte en passant par la porte des étoiles. Petit à petit, il gravit les échelons jusqu'à atteindre les voix des studios les plus prestigieux. Le voici donc chez la 20th Century Fox avec un projet qui n'appartient à aucune licence ou franchise, pas même une adaptation de quoi que ce soit. Si on analyse le casting, on trouve de tout : des acteurs confirmés comme Bill Pullman et Jeff Goldblum, des seconds-rôles qui le sont tout autant (Mary McDonnell, Judd Hirsch, Randy Quaid, James Rebhorn, Adam Baldwin et Robert Loggia) et des jeunes loups qui ne demandent qu'à percer (Will Smith, Vivica A Fox, James Duvall et Lisa Jakub). Pourtant le succès d'Independence Day ne repose pas sur eux, ni sur le nom d'Emmerich (sur aucune affiche vous ne lirez "par le réalisateur de Stargate"). Par contre, la bande-annonce aligne les money-shots et surtout le film sort le 3 juillet aux USA. Soit le week-end de la fête nationale et le temps d'action du film. On ne pouvait faire plus logique, au même titre que Bastille day (James Watkins, 2016) est sorti le 13 juillet dernier.
Les américains se sont rués dessus (le plus gros succès de l'année 1996), les étrangers tout autant (plus de 5 millions d'entrées en France). Aujourd'hui, le film est devenu culte, ses rediffusions sont plutôt régulières et suivies et le film bénéficie même d'une édition spéciale pour le marché vidéo. Pas besoin de suite en soi, Independence Day s'est toujours montré comme un one shot, sans fin ouverte, au point que sa suite n'en est que plus tardive. Il se suffit à lui-même, vestige des 90's où on n'avait pas besoin d'enchaîner les suites. Les one-shots étaient plus privilégiés, à l'image de Demolition Man (Marco Brambilla, 1993) ou Face/off (John Woo, 1997). ID4 faisait partie de cette race et aurait mieux fait d'y rester, notamment à cause de son fond. Vous voulez manger du patriotisme à coup de Living in America? ID4 est fait pour vous! Le titre abrégé ou pas a déjà craché le morceau, comme pour vous montrer que l'on ne vous ment pas sur la marchandise. Le film a beau se dérouler sur trois jours, c'est bien le 4 juillet qui servira de bataille finale. Mais Emmerich va heureusement bien plus loin, faisant de ce film un merveilleux nanar en puissance. Certes, le réalisateur a évoqué depuis quelques années que le film était à prendre au second degré, qu'il s'était amuser à glorifier les Etats-Unis et à les critiquer par la même occasion. Pourtant si le film est fun, on a bien du mal à voir une quelconque critique des USA et encore moins en la glorifiant ainsi.
C'est même son premier degré délirant qui fait le charme nanardesque de son film, engendrant parfois des fous-rires incroyables. Il n'y a qu'à prendre le président Whitmore (Pullman). Homme superbe (il est même élu homme le plus sexy de 1996), mari et père aimant (houste Clinton!), ancien pilote de chasse durant la Guerre du Golfe, mec potentiellement sympathique, président cool et bon orateur. Le bonhomme n'a quasiment aucune faille en comparaison d'autres personnages du film (Jeff Goldblum par exemple) et remet en place son secrétaire d'Etat à la défence (Rebhorn). On aurait presque envie d'aller dans le premier bureau de vote venu! Mais mieux encore et c'est là que le film se paye une des séquences les plus hilarantes des 90's: dans un élan patriote et courageux, il part à la chasse aux martiens après un discours pétaradant. Aujourd'hui, tous les gosses des 90's seraient plus ou moins capables de le réciter par coeur, au moins la fin. Plutôt que de continuer à en parler, écoutons-le avec la musique de David Arnold qui n'en fait absolument pas des tonnes en fond sonore.
Sortez les briquets, le président des Etats-Unis a parlé. Les fans trouveront votre cher Borat trop cynique. Pourtant on atteint de tels sommets de patriotisme exacerbé que cela en devient hilarant. Soit on est hapé par la bonne parole en jurant sur la Bible, soit on se fend la poire en évitant de se casser une côte. Les personnages autour sont aussi des clichés ambulants. En voici quelques spécimens:
- l'afro-américain pilote de chasse sympathique (Smith)
- le scientifique que personne ne veut croire (Goldblum), sombrant un moment dans l'alcoolisme avant de trouver le plan du siècle
- son père très pratiquant (Judd Hirsch avec une kippa sur la tête)
- le secrétaire d'Etat qui cache tout, même au président. Ce qui vaut un merveilleux fou-rire, le bonhomme évoquant que la théorie d'Hirsch sur Roswell n'est pas totalement fausse, devant un président américain et un chef des armées abasourdis!
- le scientifique barjo resté un peu trop longtemps dans la Zone 51 (Brent Spiner)
- l'aviateur alcoolique qui décide d'arrêter de boire le jour de l'indépendance et proclamant partout que les extraterrestres l'ont kidnappé, en plus de se sacrifier. De là à dire que Randy Quaid s'est un peu trop inspiré de son personnage dans la vie réelle, il n'y a qu'un pas.
On pourrait continuer longtemps, mais chacun a sa place dans l'échiquier, Emmerich posant le plot de la plupart de ses films à venir. Que ce soit Godzilla (1998), The day after tomorrow (2004) ou 2012 (2009), tous reposent sur le même principe d'un film catastrophe choral avec des personnages clichés, fonctionnels mais servant l'intrigue du film. Ils ne sont pas décrits pour n'apparaître que quelques secondes. Les personnages de Will Smith et Jeff Goldblum ne finissent pas ensemble pour rien, certainement les personnages les plus sympathiques du lot, les moins pénibles aussi. Ils font partis de ce fun évoqué, ceux qui font passer la pilule (et heureusement).
Le scénario repose sur une base simple, transposition de plus de La guerre des mondes (HG Wells, 1898). (attention spoilers) Les aliens arrivent, exterminent tout sur leur passage et on les détruit par un truc improbable (changez bactérie par virus). Rien de nouveau sous le soleil, rien d'inventif non plus. Il n'en reste pas moins que c'est assez divertissant pour que l'on s'en amuse. (fin des spoilers) Pour ce qui est de la réalisation, Emmerich est quand même bien pris dans les rouages de son époque. On le voit au début par des fondus au blanc pour des transitions entre les actions des extraterrestres et les plans de monuments comme la Statue de la liberté. Utilité? Aucune, mais cela devait être cool durant les 90's. On s'amusera également des arrêts sur image sur les personnages ébahis devant les vaisseaux spatiaux. Que ce soit par des zooms ou comme pour Will Smith, le fait de prendre son point de vue avant de montrer ce qu'il voit (le vaisseau). Un effet redondant qui finit par faire rire. Certaines scènes de destruction ont pris du plomb dans l'aile, comme ces plans où un arrière-plan bouge au ralenti, mais pas les acteurs au premier courant rapidement. On pense également au final avec ce vaisseau explosant avec des cgi aujourd'hui dépassés avant d'être traversé par des avions sortis de nulle part! Il n'en reste pas moins que la destruction de monuments reste un pur plaisir, jouant merveilleusement de diverses maquettes.
Un gros nanar patriotique, où l'on chante America Fuck Yeah entre deux destructions.
Article initial publié le 13 novembre 2009.