Le mythe de l'enfant sauvage
Genre: aventures
Année: 1984
Durée: 2H15
L'histoire: Peu après sa naissance, un petit garçon dont les parents viennent de décéder, est recueilli par une guenon en pleine jungle d'Afrique équatoriale.
La critique d'Alice In Oliver:
Dans toute sa carrière, Christophe Lambert n'aura signé que trois bons films: Subway, Highlander et... Greystoke, la légende de Tarzan.
Et sincèrement, l'acteur se révèle tout à fait crédible dans le rôle de cet être qui a grandi parmi les singes et a survécu dans une jungle hostile.
Mais une épreuve bien plus terrible l'attend... Sa rencontre avec les hommes va définitivement bouleverser son existence.
Il va vivre parmi eux pendant des années. Rapidement, il va apprendre leurs coutumes et s'adapter relativement facilement à cette nouvelle vie, sans pour autant oublier son côté sauvage et animal.
Avec Greystoke, le réalisateur, Hugh Hudson, revisite le mythe de l'enfant sauvage avec un certain talent. Dans Greystoke, l'animal, ce n'est pas le singe, mais l'homme, ce dernier n'hésitant pas à torturer les animaux, à les massacrer et à détruire la nature qui l'entoure.
Hugh Hudson propose donc une vision peu reluisante de l'humanité. Le film se concentre également sur l'enfance de notre jeune héros, ce dernier étant élevé par les singes. Cela constituera la première partie du film.
La seconde partie de Greystoke, toute aussi passionnante, traitera de son intégration parmi les hommes.
C'est là que notre jeune héros va apprendre l'amour et à devenir un être sociable.
Greystoke est donc à la fois un film beau, poétique mais cruel sur la nature humaine. C'est probablement le meilleur rôle de Christophe Lambert au cinéma.
La critique de Borat
L'air de rien, Christophe Lambert a une carrière assez variée. Qu'on se le dise ce n'est pas toujours brillant, souvent mâtiné de productions qui n'étaient pas faites pour lui (il renie par exemple Beowulf et Vercingétorix, à cause de mésententes et problèmes de production notables) ou séries B luxueuses ou non. A vrai dire, on pourra toujours dire qu'il y aura un avant et un après Highlander 2 (Russell Mulcahy, 1991), la suite foireuse d'un de ses plus grands succès qui a quelque peu bousiller son ascension. Il est donc de bon ton de revenir à une époque où il n'incarnait pas un immortel écossais, et où il ne naviguait pas encore dans le métro de Paris pour Luc Besson. Nous sommes au début des 80's et Christophe Lambert est parmi ceux qui auditionnent pour un film hollywoodien. Mais pas n'importe lequel: Greystoke, projet de la major Warner (la même qui produit le film sorti mercredi dernier). A la réalisation, Hugh Hudson ovationné pour Les chariots de feu (1981) et au scénario, Robert Towne oscarisé pour Chinatown (Roman Polanski, 1974) et touche à tout invétéré (il est crédité aussi bien pour Bonnie and Clyde que pour... Mission Impossible 2 !). Le but ? Adapter les romans d'Edgar Rice Burroughs mettant en scène Tarzan. Christophe Lambert se retrouve à passer après une flopée d'acteurs, le premier venant à l'esprit étant Johnny Weissmuller qui l'a incarné durant douze films entre 1932 et 1948.
Le personnage a beau avoir été abordé plus d'une fois au cinéma, cela faisait un petit moment qu'il n'était pas revenu sous la houlette d'un grand projet d'envergure (on exclut plus ou moins le Tarzan de John Derek, plus connu pour dévoiler les formes de la sculpturale Bo Derek). Celui que l'on appellera rapidement Totof n'est alors qu'un jeune premier, sortant tout droit du conservatoire. Une fois choisi, l'acteur français se prépare auprès de singes, apprenant le langage des signes avec eux, avant de passer à l'entraînement physique (valant à Totof une bonne trentaine de kilos en plus). Ce ne sont d'ailleurs pas des singes que nous voyons à l'écran, mais des hommes costumés par Rick Baker qui récidivera sur Gorilles dans la brume (Michael Apted, 1988) quelques années plus tard. C'est l'une des grandes qualités du film, car à aucun moment on ne se doute qu'il s'agit d'hommes sous un costume. D'autant que les singes ont une grande place durant le film, que ce soit lors de la première partie où ils élèvent Tarzan ou le final. C'est dire le niveau de crédibilité du travail de Baker. Idem pour le reste du film, sortant de l'habituel divertissement mettant en scène le Roi de la jungle depuis les années 30. Le ton est beaucoup plus sérieux et si vous vous attendez à un film d'action, il vous faudra regarder une autre adaptation. Tarzan n'est pas représenté comme un homme d'action comme cela semble être le cas dans le film de David Yates ou même dans le film Disney (Kevin Lima, Chris Buck, 1999). Il est un homme élevé par les singes et découvrant le monde des Hommes.
Si la seconde partie se révèle plus classique, la première risque fort de décontenancer certains spectateurs et pourtant c'est peut être la plus intéressante. Quasiment muette, se contentant majoritairement du langage des signes et montrant les origines du héros, tout comme son enfance dans la jungle. Hudson signe une première partie presque expérimentale (shootée avec brio par John Alcott, chef opérateur des films de Stanley Kubrick entre 1968 et 1980), avec un héros se construisant à travers les plans, évoluant, chassant, s'imposant dans un monde qui n'est pas le sien, devenant même chef de clan. Un héros issu d'une tragédie, celle de deux naufragés morts de la malaria ou tué par ceux qu'il considère désormais comme ses parents. Hudson ne fait pas de concession, montrant l'Homme face à un environnement qu'il ne connaît pas et ayant alors peu de moyen de se défendre. Le film change radicalement dès que Totof Lambert rencontre Ian Holm. Dès lors, Hudson signe un film plus classique mais néanmoins plaisant, Tarzan apprenant désormais à travers les yeux d'un homme. Le Capitaine D'Armot lui permet de revenir parmi les Hommes et de découvrir un monde fait de richesse, d'amour et de cruauté. Toujours dans un discours contestataire, le réalisateur n'hésite pas à confronter l'Homme face aux ravages qu'il entretient.
Après tout, si D'Armot a fini en Afrique, c'est pour une exploration. La colonisation en Afrique par le "Grand Blanc" qu'il soit belge ou anglais. Idem dans son final brutal, montrant l'Homme face à un animal, qui représente bien plus l'humanité que celui qui s'en revendique. La violence est omniprésente, qu'elle confronte un homme vivant avec les singes à un autre singe ou un homme tirant sur un animal, car il représente soi-disant un danger pour lui. Greystoke n'est pas qu'un portrait cruel évidemment et révèle aussi d'autres facettes. Comme la relation entre Tarzan aka John Clayton (nom qui ironiquement sera celui du méchant du film Disney) et son grand-père (Ralph Richardson), vieil homme meurtri par la mort de sa fille et attendant son petit-fils depuis une éternité. Dès lors, Greystoke apparaît comme un film mélancolique sur le temps passé et les regrets. De même, comment ne pas évoquer le romantisme ambiant des scènes entre John Clayton et sa cousine Jane Porter (Andie MacDowell) ? Un personnage qui apparaît très tard au cours du métrage, mais s'avère particulièrement beau. Rien à voir avec l'érotisation habituelle de Jane. Elle n'ira pas dans la jungle vivre avec celui qu'elle aime, rendant leur amour impossible et touchant. Si le casting est de grande qualité, que dire de Totof Lambert ? Il n'a jamais été aussi bon qu'ici, pas même dans Highlander (Russell Mulcahy, 1986) où il était un des atouts majeurs. Il n'est jamais ridicule dans le rôle, alors que les spectateurs habitués à son cabotinage et son rire délirant pourraient le penser. Il est parfait en Tarzan et peut même être considéré comme la meilleure incarnation du personnage au cinéma.
Une oeuvre mélancolique et violente, portée par l'interprétation mémorable de Christophe Lambert.
Article initial publié le 25 novembre 2011.