La morale bafouée

Les neuf jours de crise de 1988 ayant donné lieu à l'assaut dans la grotte d'Ouvéa vu par le capitaine du GIGN Philippe Legorjus...

A croire qu'il a bouffé du lion, le Cinéma Français ne s'est jamais autant bien porté. Après Intouchables, c'est au tour de L'ordre et la morale de montrer de quoi il chauffe. Après l'inflation survenue sur le tournage de Babylon AD, Matthieu Kassovitz revient au cinéma ancré dans le réel qui l'a fait connaître et s'attaque à la crise de la grotte d'Ouvéa. A vrai dire, Kasso devait le faire juste après Les rivières pourpres mais vu qu'il n'arrivait pas à avancer (pas de financement, scénario pas fini), il a tapé dans la pogne de Joel Silver pour faire Gothika. Une fois revenu en France, le réalisateur, décidemment, a eu de nombreux problèmes durant la production. D'abord l'armée française n'aidera pas pour les effets militaires vu que le film véhicule une mauvaise image de la treizième armée mondiale. De plus et détail peut être plus compréhensible, la Nouvelle Calédonie n'a pas voulu laisser tourner Kasso pour éviter de rouvrir des plaies.

Le réalisateur tournera finalement en Polynésie Française, ce qui l'arrangera plus ou moins vu qu'il a pû avoir une totale liberté de mouvement. Sans compter qu'avant la sortie, le seul cinéma d'Ouvéa n'a pas voulu diffuser le film pour les raisons déjà évoquées. Sa date de diffusion sera également reportée d'un septembre très calme à une sortie en novembre face au dernier Twilight. Autant dire que les suceurs végétariens ont gagné au vue des chiffres de la semaine dernière (plus d'1 million contre 100000 spectateurs). Néanmoins pour un film aussi politisé et polémique, c'est plutôt pas mal (Green Zone de Paul Greengrass s'était bien cassé la gueule sur un sujet tout aussi brûlant). Kassovitz s'empare du rôle principal et est face à Malik Zidi, Iabe Lapacas (pré-séléctionné pour les révélations des Césars), Daniel Martin, Jean-Philippe Puymartin (pour briller en société, vous pourrez toujours dire que vous avez vu un film avec la voix de Tom Hanks et Tom Cruise), Philippe Torreton et Sylvie Testud.

Kasso attaque dès les premières minutes en commençant par ce qui s'est passé après le massacre de la grotte d'Ouvéa vu par l'acteur. Décors paradisiaques en feu, militaires exécutant des accusés arbitrairement, otages libérés, kanaks arrêtés... Le fait de commencer par la fin peut s'avérer risqué, au risque de déstabiliser le spectateur ou simplement de donner un effet débile comme on a pû le voir récemment dans Captain America ou encore dans la monumentale Impasse de De Palma. Pourtant ici, elle a toute son importance et pour cause, elle pose les bonnes questions: comment a-t-on pû en arriver là? Pourquoi les négociations n'ont pas marché? Kasso va essayer de nous le dire durant au moins deux heures avec une détermination impressionnante. Le réalisateur sait qu'il tient un sujet en or et le brulôt attendu est bel et bien là. L'intrigue reprend alors neuf jours avant l'attaque avec l'arrivée du capitaine du GIGN Legorjus et de son équipe.

Premier stupéfaction: l'armée est déjà présente sur ordre du gouvernement de Jacques Chirac. Vraissemblablement, les politiques n'ont pas confiance dans le GIGN et le message est le même venant de la collectivité locale dirigée par Bernard Pons. Un constat alarmant et qui fait peur tout comme pour L'ennemi intime de Florent Siri. Malgré que les négociations avec les kanaks allaient atteindre son apogée dans la non-violence, le gouvernement décide de donner l'assaut. Pire encore, il essayera de passer sous silence les événements survenus le 5 mai 1988. Kasso signe donc un film important et maîtrisé. Il a beau dire que sa réalisation est en retrait dans la presse, il donne lieu à de vrais moments de tension (la prise d'otage avec Legorjus ou l'assaut dans le commisariat) et une mise en abîme percutante rappelant parfois la beauté de La ligne rouge de Terrence Malick. Kasso magnifie ses décors et cela pour notre plus grand plaisir.

Le film peut également compter sur sa musique. Klaus Bedelt donne par petits coups un effet opressant et donc pesant. Et cela jusqu'au final absolument apocalyptique où les forces armées se tirent même dessus. Certains journalistes, qui vraissemblablement n'avaient que ça à faire, ont osé taxé le film "de gauche" à cause des engagements politiques de son auteur.  Une expression qui ne veut strictement rien dire et employée de manière excessive ici. Un élément de réponse semble montrer pourquoi ces gens ont dit cette ignominie. A un moment, nous assistons au débat entre François Mittérand et Jacques Chirac avant le second tour des présidentielles. Il semblerait que le point de vue du feu président soit le même que celui de Legorjus. A mon humble avis, ce serait sur ce court passage que cette critique a été faites. Est-elle crédible une seconde? NON! Les acteurs sont tous impliqués dans leur rôles respectifs.

Un brulôt implacable sur un événement dramatique qui n'aurait jamais dû avoir lieu.

L'ordre et la morale : bande annonce

Comments

[borat8]

Ravi que tu sois de mon avis. Un film boudé en grande partie par un vrai manque d'intérêt de la distribution. Alors qu'il était prévu en septembre dans une zone sans adversaire, on a préféré le mettre entre Twilight et Intouchables. Pas étonnant qu'il se soit planté.

[nicos31]

Du Très grand cinéma comme j'aimerais en voir plus souvent. Dommage que le film se soit planté car franchement cela faisait longtemps que le cinéma français ne m'avait pas autant enthousiasmé. Mathieu Kassovitz revient avec un film coup de poing! Une oeuvre magistrale!!!

[GIBSON]

Je ne sais pas si le film retranscrit bien la vérité ou si c'est celle inventé par quelque un qui cherche à ce mettre en avant (legorjus) et qui à su berner Kassovitz, mais le film en lui même est une belle réussite du point de vu de la mise en scène et assez bonne de l'interprétation, Kassovitz est vraiment excellent .

[rico]

Pour moi c'est le meilleur film de l'an dernier, toute nationalité confondu... Egalement heureux de l'avoir vu au cinéma!!

[borat8]

Perso je le considère comme le meilleur film français de l'an dernier. En tous cas, content d'avoir pu le voir au cinéma.