Quelques notes de piano et l'amour naît
XIXème siècle. Une jeune femme muette avec son enfant débarque en Nouvelle-Zélande où elle doit épouser un colon. Mais elle va surtout s'éprendre d'un chasseur habitant pas loin...
Après avoir parlé de films involontairement liés au Festival de Cannes, voilà ce qui reste une des meilleures Palmes d'or. Récompensé en 1993 avec Adieu ma concubine, La leçon de piano de Jane Campion est à ce jour (et ce ne sera pas cette année non plus) le seul film dirigé par une femme ayant eu le sésame cannois. Une date sur la Croisette, sans compter le Prix d'interprétation toujours à Cannes pour Holly Hunter, le César du meilleur film étranger, 3 Oscars (meilleurs actrice, second rôle pour Anna Paquin, meilleur scénario original pour Campion) et le Golden Globe de la meilleure actrice. Pour beaucoup, il s'agit tout simplement du rôle de la consécration pour Hunter qui se fera plus rare par la suite. On retrouve également Sam Neill et Harvey Keitel. Le sujet pourrait paraître comme un film à l'eau de rose avec des amoureux qui s'aiment à la folie, mais contredis par le destin et tout le pathos de première qui en rajoute une couche. Dès les premières minutes, Campion calme le jeu. Ici pas de romantisme exacerbé à base de guimauve peu flateuse.
Le fait que la réalisatrice ne soit pas américaine et que le film soit une production indépendante sont également deux atouts. A Hollywood, le résultat n'aurait peut être pas été le même. Déjà les acteurs jouent ardemment dans l'histoire. Hunter incarne une veuve allant se remarier avec un colon de Nouvelle-Zélande (nous sommes au XIXème et l'Angleterre avait déjà la main mise dessus). Elle a déjà une enfant et est muette. Avec elle, un piano est également de la partie. Un vestige de son passé qu'elle garde comme un moyen d'expression. Le colon c'est Neill. Un homme simple et amoureux de sa nouvelle femme. Sa passion peut parfois donner lieu à une fureur incroyable preuve en est avec le membre sectionné de notre héroïne. Une séquence aussi brutale que le geste et particulièrement percutante. Keitel, lui, est l'amant certes massif mais également sensible. C'est de lui que notre héroïne va tomber amoureux. Un triangle amoureux qui ne ressemble heureusement pas à un vaudeville avec le mythique amant dans le placard.
De plus, la petite joue également un rôle important puisqu'elle prend Neill pour son vrai père. C'est elle aussi qui dénoncera l'amour d'Hunter pour Keitel. On peut prendre ça comme une vengeance d'une enfant face à une mère qui ne parle plus depuis la mort de son mari. Un manque d'affection qui se ressent assez rapidement. Campion signe un film poignant de la première à la dernière minute, réussisant à contrebalancer le pitch initial qui paraissait basique en dehors de son contexte historique. La réalisatrice parvient également à dépeindre une époque où les "indigènes" étaient encore perçus comme des moins que rien et sous le dogme anglais. Hunter se révèle irréprochable sur tous les bords, trouvant un rôle poignant de femme tiraillée entre son mari défunt et cet amant sublimement interprété par Keitel. Même chose pour Neill, remarquable en mari trompé et rajeur. Comme quoi, pas besoin de nous donner une envie de kleenex en regardant une histoire d'amour.
Quel est ce sein que je ne saurais voir?!
Une sublime histoire d'amour magnifiée par des acteurs au sommet.