Un maniaque dans la cité des anges
Frank Zito aime les mannequins et tient une boutique où il les restaure. Mais Frank est fanatique de sa mère et pour lui faire plaisir, il lui arrive d'opter pour le meurtre...
Que des français réalisent des remakes pour des américains, on avait déjà vu ça (La colline a des yeux, The eye...). Mais des français réalisant un remake aux Etats Unis sans passer par eux, ça n'arrive quasiment jamais. Voici donc venir en ce début 2013 le remake de Maniac, film culte de William Lustig immortalisé par la performance de feu Joe Spinell. Vu le statut de l'original, il y avait de quoi craindre à la purge, d'autant que c'est produit par Thomas Langmann (monsieur on ne sait jamais sur quoi tu vas tomber, preuve en est avec l'année 2008 ponctuée par Astérix aux jeux olympiques et Mesrine!) et réalisé par Franck Khalfoun (réalisateur de 2ème sous-sol, film over-dézingué par la critique et bide complet en salle). Sans compter Elijah Wood dans la peau du tueur, n'ayant strictement rien à voir avec la carure de Joe Spinell. Pourtant, au scénario et à la production on retrouve ni plus, ni moins que le duo de choc Alexandre Aja-Gregory Levasseur, une des rares preuves qu'on peut faire de l'horreur en France (avec l'ami Pascal Laugier). De plus, Lustig a donné son approbation. Ensuite, le film opte pour un concept novateur: montrer l'action à travers les yeux du tueur. Attention néanmoins à ne pas confondre avec le found footage. Il ne s'agit pas d'un ahuri filmant avec un vulgaire camescope. Preuve en est avec les nombreux plans montrant Elijah Wood devant des miroirs. Aucune caméra apparente et pourtant on le voit réellement devant un miroir.
Un vrai exercice de style qui s'avère particulièrement payant. On ressent les moindres mouvements de Wood (encore une fois, les mouvements qu'il fait devoir le miroir correspondent aux mouvements de caméra), ses vibrations, sa respiration et surtout sa psychose. (attention spoilers) Comme semble l'avoir le film de Lustig, le personnage de Zito n'est pas sans rappeler l'ami Norman Bates. Eduqué par une mère volage et limite castratrice (les séquences la montrant sont peu flatteuses, la montrant en traînée se faisant baiser même en pleine rue et ce devant son fils. Beau portrait!), il a développé une potentielle haîne envers certaines femmes. Ses victimes, en dehors d'une, sont toutes des femmes et il a pris l'habitude de les scalper. Pourquoi? Pour les mettre sur des mannequins (ceux dans les magasins pas de chair hein?), sortes d'idole de sa mère ou d'amours qu'il n'aura jamais. Soulignons d'ailleurs le travail de David Law, certains modèles paraissant presque vivants. Soit toute la richesse de son travail (je vous renvois d'ailleurs à l'interview de Vince de l'interessé sur Naveton). Le final est assez éloquent dans la mesure où Khalfoun montre les victimes avec les habits donnés par notre tueur. Un final parmi les plus redoutables, véritable délire paranoïaque signifiant une mort traumatisante alors que finalement notre héros est mort de ses blessures.
En d'autres termes, Khalfoun montre que les blessures psychiques sont beaucoup plus mortelles que les physiques. En plus de Psychose, on peut voir un parallèle avec le récent Shame de Steve McQueen. Chacun a une passion dévorante (le sexe pour l'un, le meurtre pour l'autre), une certaine vision de la femme (du sexe pour l'un, du bétail pour l'autre), mais aussi un amour qui n'arrivera jamais au bout (la collègue pour Michael Fassbender, Nora Arnezeder pour Wood). De plus, les deux personnages ont énormément de frustration et ils ont une figure paternelle gênante (la soeur suicidaire pour l'accro au sexe, la mère nymphomane pour le hobbit). Même au niveau de l'ambiance, les deux films se rejoignent, évoluant dans un univers craddingue au possible et pas des plus flatteurs. (fin des spoilers) En sachant que l'équipe n'a pas tourné sur les mêmes lieux que l'original, les quartiers glauques de New York ayant été... "nettoyés"! Los Angeles est le terrain de jeu de cette version 2012. Khalfoun a la bonne idée de nous faire suivre les itinéraires de Frank dans les moindres recoins et notamment ses techniques de filature. Wood n'ayant pas le physique de barroudeur, il apparaît comme passe-partout et ce sera grâce à cela qu'il aura son rendez-vous avec la fille rousse. Au niveau des meurtres, on en a pour notre argent et l'interdiction aux moins de 16 ans n'est pas usurpée.
Je ne sais pas si le film de Khalfoun est aussi dégueulasse que celui de Lustig (ce qui devrait tourner à l'avantage de l'original, interdit aux moins de 18 à sa sortie et encore maintenant je crois), mais la version 2012 est bien chargée. En même pas dix minutes, on a droit à un meurtre et pas des plus sobres (un bon coup de couteau en dessous du menton et un beau scalp devant notre tronche!). Compte tenu de la durée (1h29 malheureusement), les meurtres s'enchaînent assez rapidement. (attention spoilers) Pour ce qui est de la brutalité, on n'y échappe, le pire étant le meurtre de l'agent (le plus dégueulasse et sadique) ou celui dans l'appartement de la belle Nora. Ce dernier était un apothéose car d'une rapidité d'action sans vergogne et laissant pas de minute de répit. De plus, quand Frank se fait frapper, la caméra bascule en même temps mais sans jamais que ce ne soit illisible (même chose que l'ami se fait basculer sur le lit de la jeune femme rousse). (fin des spoilers) En sachant que la réalisation ne comporte pas que de la vue subjective, magnifiant certains tableaux souvenirs ou moments de violence (scène du parking). Pour ce qui est de Wood, on ne peut parler de performance même si on peut le voir. Néanmoins, il a une présence indéniable et réussi à faire oublier qu'il est Frodon (chose qu'il voulait déjà démontrer dans Sin City). Pour le reste, on notera que la très jolie Nora est bien meilleure dans l'horreur que dans la comédie grand public (n'est-ce pas Christophe Barratier?).
Un remake pour le moins original, servi par une immersion impressionante et d'une violence rare dans le cinéma d'horreur hexagonal.