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19 février 2016

Une anomalie nommée Lisa

Un homme en déplacement ne semble entendre qu'une seule et unique voix. Jusqu'à ce jour où il tombe sur une jeune femme dans un hôtel...

Anomalisa

Depuis Dans la peau de John Malkovich de Spike Jonze (1999), le scénariste Charlie Kaufman tourne toujours autour de deux thèmes récurrents. Tout d'abord, la crise identitaire présente dans le film suscité (des gens s'emparent du corps de l'acteur, afin de changer leur vie) ou Adaptation du même réalisateur (Nicolas Cage ne réussissant pas à adapter un roman et à la sexualité faites uniquement de fantasmes). Puis, il y a les relations amoureuses houleuses, caractérisant la grande partie de sa filmographie, le point d'orgue étant atteint avec Eternal sunshine of the splotless mind de Michel Gondry (2004). Après l'essai Synecdoche, New York en 2008 et plusieurs projets avortés, Charlie Kaufman récidive dans la mise en scène avec un nouveau projet en compagnie de Duke Johnson, artisan de la stop-motion. Anomalisa est en premier lieu une pièce de théâtre singulière, où les comédiens étaient présents sur scène avec leurs scripts, accompagnés de la musique de Carter Burwell initiateur du projet. Anomalisa au cinéma est dans une optique différente, du fait de la technique utilisée qui est la stop-motion. Au contraire de beaucoup de films en stop-motion, le film n'entre pas dans la sphère du fantastique ou de la science-fiction pour se mettre dans une ambiance particulièrement réaliste.

Anomalisa : Photo

Tout semble vrai et c'est aussi pour cela que quand le film passe au fantastique, le spectateur n'y prête pas attention tout de suite, voire est désarçonné en temps voulu. (attention spoilers) Le contexte même d'Anomalisa n'est pas sans rappeler un cauchemar éveillé, puisque le personnage principal (David Thewlis) ne semble entendre qu'une seule et unique voix. C'est d'ailleurs sur cela que le film commence: un amas de voix sur un fond noir, une sorte de bourdonnement qui désarçonne le spectateur. D'autant plus que cette seule et unique voix est celle de Tom Noonan (acteur de la pièce initiale), utilisée aussi bien pour des hommes que des femmes, provoquant un sentiment de malaise incroyable. D'autant plus qu'il ne donne aucune intonation selon le voeu de Kaufman, donnant un air étrange, comme si tous ces personnages étaient une seule et même personne qui se répondent à chaque interlocution (d'où le brouhaha ouvrant le film). De même, on peut observer que les personnages de Noonan ont quasiment tous le même visage (le malaise peut continuer), au contraire du héros et de Lisa (Jennifer Jason Leigh), la seule personne à avoir une voix différente. Kaufman continue dans l'étrange en faisant cohabiter le temps d'une séquence deux voix au personnage de Lisa, entraînant une confusion à la fois chez le héros et le spectateur. Est-il encore en train de rêver ou Lisa est vraiment en train de muter comme toutes ces personnes? 

Anomalisa : Photo

Les dernières minutes donneront la réponse, mais la scène a de quoi désarçonner, Kaufman brouillant sans cesse la réalité pour faire vivre un véritable cauchemar au héros / spectateur. Avant cela, il donnera lieu à un véritable cauchemar en puissance, faisant entrer Anomalisa dans le fantastique pur. Un peu comme il le faisait avec le personnage de Charlie Kaufman dans Adaptation, lorsque ce dernier faisait des rêves érotiques! Le montage assemblait deux scènes avant le réveil brutal à la réalité. Ici c'est la même chose en beaucoup plus troublant, que ce soit par la paranoïa du personnage devenant évidente, un monde autour qui ne cesse de grouiller et des plans qui restent longtemps en mémoire. Comme ce travelling arrière montrant notre héros courir dans un couloir de plus en plus noir jusqu'à s'en décrocher la machoire! Une scène que l'on ne pourrait pas voir sans des modèles particuliers. Dans un dispositif épuré, les modèles ont des visages séparés en deux parties, soulignés par un trait bien mis en valeur en dessous des yeux. Une simplicité qui n'empêche pas une certaine complexité, les émotions étant bien visibles à l'oeil. De même, les personnages bougent de manière fluide dans des décors plus vrais que nature, renforçant l'anxiété (la folie?) du personnage principal. Au final, on se demande bien si notre héros ne devient pas fou et si sa folie n'est pas issue de ces voix identiques qu'il entend. 

Anomalisa : Photo

Outre la crise identitaire, Anomalisa présente une histoire d'amour contrariée parmi les plus fascinantes créées par Kaufman. Le personnage principal a beau être marié, il semble s'ennuyer et c'est aussi pour cela qu'il demande dans un premier temps à une ex de venir. Un rendez-vous qui n'a finalement pas d'importance, les deux s'étant quitté il y a trop longtemps et ne se désirant plus vraiment (il l'a appelé avant tout pour une distraction, rien de plus). En revanche, son amour pour Lisa vient en particulier de sa voix. Elle ne se sent pas belle, lui adore sa voix et la rassure. Leur amour repose sur la tendresse et leurs voix respectives. Ce qui donnera lieu à une scène de sexe terriblement romantique, sorte d'antithèse de celle particulièrement grasse (mais terriblement hilarante) de Team America de Trey Parker (2005). On se demande parfois si le film n'aurait pu se faire avec des acteurs. Peut être qu'une scène de ce type ne l'aurait pas permis, surtout quand on voit à quoi ressemble une scène de nue dans 50 nuances de Grey de Sam Taylor Johnson (2015). De même pour les rôles joués par Noonan, qui seraient vite des pastiches des clips de Chris Cunningham pour Aphex Twin, Windowlicker (1999) et Come to daddy (1997). Au final, l'animation est idéale, car elle permet de jouer avec les voix, mais aussi de donner un sens purement irréel à cette histoire. Mais cela ne serait rien sans le talent de ses comédiens entre un David Thewlis totalement déprimé, une Jennifer Jason Leigh en pleine résurrection artistique (il était temps) et un Tom Noonan exemplaire au vue du travail fourni. (fin des spoilers)

Un film d'animation singulier, particulièrement représentatif de son auteur et une sorte de cauchemar éveillé en puissance.

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Commentaires
A
c'est vrai que le nom du réalisateur donne envie de découvrir ce film d'animation
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P
Un petit bijou sans doute, mais que je n'aurais (sans doute) malheureusement pas le temps de voir en salle. Je garde ton article sous le coude pour une lecture en différé.
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A
Donc un film d'animation sur la crise identitaire; une thématique toujours intéressante, donc pourquoi pas...
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