Borat n'a jamais atteint la ville des étoiles
Deux âmes cherchant à trouver le succès finissent par se rencontrer au fil des saisons...
Moins présent dans les 90's (beaucoup d'animés, moins de live-action), le musical au cinéma est redevenu à la mode au début des 2000's, attirant même l'attention des studios. Toutefois, mesurons nos propos puisqu'en général il s'agit d'adaptations d'oeuvres préexistantes. On pense notamment à Chicago (Rob Marshall, 2002), Le fantôme de l'opéra (Joel Schumacher, 2004), Rent (Chris Columbus, 2005), Sweeney Todd (Tim Burton, 2007) ou Les misérables (Tom Hooper, 2012). Les paroliers sont recherchés aussi, à l'image de Lin Manuel Miranda sur Moana (Clements, Musker, 2016). Alors quand un musical original entre en scène, soit il attire l'attention, soit se plante au point d'être oublié ou a simplement un succès d'estime. La la land (Damien Chazelle, 2016) aurait pu avoir le même destin que le premier film du réalisateur, Guy and Madeline on a Park Bench (2009). Un film indépendant en noir et blanc et n'ayant strictement rien rapporté. Si la presse a visiblement bien reçu le film, il n'a par exemple jamais montré le bout de son nez en France. Quand La la land sort, son réalisateur a depuis une certaine réputation. Celle du réalisateur de Whiplash (2014), film musical mais pas une comédie-musicale qui avait des tendances à aller vers le cinéma d'horreur. La la land a pourtant été écrit juste après son premier film, avec le fidèle Justin Hurwitz en charge de la musique et des chansons à nouveau.
Le film ne trouve finalement des financements qu'après le succès de Whiplash et le succès est à nouveau présent au point que le film est actuellement bien parti pour raffler quelques Oscars. Miles Teller et Emma Watson étaient pressentis pour jouer le couple
star. Il décline visiblement pour une histoire de gros sous. Rien d'étonnant au vue des échos disant que l'acteur aurait pris le melon. Elle à cause du tournage imminent de La Belle et la bête (Bill Condon, 2017), un autre musical d'ailleurs. Quand bien même ils étaient les premiers choix, on a bien du mal à voir en eux le duo de La la land surtout après avoir vu les prestations de Ryan Gosling et Emma Stone. Les deux étaient faits pour ces rôles et on le comprend assez rapidement. Mieux encore, ils ont déjà été en couple à l'écran (Crazy, stupid, love de Ficarra et Requa et Gangster squad de Ruben Fleisher), ce qui aide beaucoup pour l'alchimie entre les personnages. Beaucoup soulignent la performance quasi-hors norme du duo phare. Votre cher Borat a un avis un peu plus nuancé à ce propos. Ces deux acteurs ont rarement été mauvais par le passé, en tous cas selon votre interlocuteur. Gosling avait perdu de sa superbe dans Only god forgives (Nicolas Winding Refn, 2013) où il s'enfermait trop dans la caricature du Driver. Stone a eu quelques passages à vide dans des blockbusters.
En général à cause de problèmes d'écriture avec des personnages fades (ce fut le cas du Fleisher susnommé) ou n'évoluant pas (la pauvre Gwen Stacy dans le second Amazing Spider man). Dans La la land, ils livrent de bonnes prestations dans la tendance de Crazy, stupid, love. Lui en mec un peu trop sûr de lui, elle dans la fille qui se cherche une forme d'idéal (à la différence que Nana a un emploi stable, ce qui n'est pas le cas de Mia). Stone semble même y avoir injecter du vécu comme le démontre les scènes d'auditions assez similaires aux propos qu'elle a tenu lors de la promotion du film. Au final, les deux acteurs sont bons, chantent et dansent très bien, mais ils ne sont pas meilleurs que d'habitude. Ils sont dans la droite lignée de ce qu'ils ont déjà effectué, ce qui n'est déjà pas si mal. Gosling se paye même la scène la plus drôle du film, à en faire pleurer de rire les Modern Talking sur une reprise que l'on qualifiera de "oulala". On voit que Chazelle a bien plus de moyens que sur ses précédents films (27 millions de dollars séparent La la land et Whiplash) et en joue énormément. Que ce soit par un long plan-séquence d'ouverture, une photographie qui met largement en avant les couleurs (notamment des robes) ou divers plans d'ensemble jouant beaucoup de la scénographie. Le problème est que cela s'avère bien tape à l'oeil. Pas que cela ne soit pas beau ou bien fait, juste qu'on a l'impression que Chazelle veut parfois en faire trop, qu'il est moins authentique que sur son précédent film.
Whiplash était peut être un film moins cher, mais Chazelle rendait son film totalement dynamique et sauvage. La la land est déjà plus hollywoodien dans sa forme, ce qui contraste énormément et curieusement passionne moins. C'est là où on arrive à la fameuse musique du film. Les parties instrumentales d'Hurwitz sont de qualité et votre cher Borat aurait presque préféré que le film ne tombe pas dans les chansons. La partie purement musicale est bien plus raccord à ce qu'est le film (un ensemble jazzy de qualité) que les chansons qui ne sont pas nombreuses. Pire encore, elles sont loin d'être marquantes. Certains ont critiqué le fait que Moana réutilisait par trois fois une même chanson. Toutefois, la chanson était citée à différents moments clés du film et il y avait des variations. Ici, City of stars ou Another day of sun sont cités deux, trois fois sans aucun changement, les paroles sont juste enlevées. City of stars et Start of fire (bien aidée par un son totalement différent du reste du film, amenant de la nouveauté bienvenue) sont des chansons qui sortent du lot, mais là non plus pas de quoi retenir les paroles encore et encore. D'autant plus quand le film arrive au syndrome "parler-chanter", consistant à chanter de potentiels dialogues comme "passe moi le sel" ou "j'ai été sur la plage et c'était sympa". Another day of sun souffre de ce syndrome dans toutes ses paroles et c'est quelque chose qui irrite votre interlocuteur dans les musicals.
Malgré les défauts ou choses qui le déplaisent dans ce film, votre cher Borat ne parle pas d'un mauvais film, loin de là. Le propos du film est en soi ce qui est le plus intéressant. (Attention spoilers) On suit deux êtres essayant de trouver le bonheur sentimental et professionnel. D'un côté, un homme cherchant à ouvrir un club de jazz, mais se contente pour l'instant de faire du piano-bar et des petits jobs. De l'autre, une femme voulant devenir actrice et se contentant de vendre du café dans un studio d'Hollywood. Les deux se cherchent, se trouvent, se quittent, s'aident et se retrouvent d'une certaine manière, soit le BA-BA de la romcom habituelle. On ne peut pas dire que La la land sort du lot à ce niveau. Beaucoup ont dit que La la land était un film dur notamment à cause de son final faussement désenchanté. Pourtant, qu'on le veuille ou non, les personnages ont atteint leur objectif, c'est juste qu'ils ne l'ont pas fait ensemble. Pessimiste d'un point de vue sentimental, mais plein d'espoirs au niveau professionnel. Chazelle montre un couple qui se fait et se défait peut être pour de bonnes raisons, soit un point de vue qui change un peu de l'habituel Hollywood. Le dernier problème de votre cher Borat à propos de ce film touche à l'affect pur. Il n'est ni passionné, ni touché par cette histoire, ses personnages et leurs parcours, au contraire de films aussi récents (A monster calls par exemple). Dès lors, difficile d'avoir envie de soutenir La la land, malgré des qualités bien visibles... (fin des spoilers)
La la land est un film au propos et à la musique intéressante, certainement même un bon film, mais dont l'aspect affectif dépendra des spectateurs. Dans ces colonnes c'est non.