Le rêve américain dans un rail de coke
Barry Seal est envoyé en Amérique du Sud par la CIA pour prendre des photos, mais comprend rapidement qu'il peut faire des affaires avec le cartel de Medellin. Seal va alors devenir aussi bien un pion pour les USA que pour le cartel...
Doug Liman est un réalisateur qui est passé du cinéma indépendant au film de studio avec quelques couacs en chemin. On se souvient de ses difficultés à imposer sa patte durant la production de La mémoire dans la peau (2002). De la même manière quand un projet patine, le réalisateur a tendance à vite s'en détacher comme ce fut le cas avec "Gambit" et "Justice League Dark". Dans les 2000's, Liman a également eu du mal à convaincre avec des films comme Mr and Mrs Smith (2005) ou Jumper (2008). Toutefois, il était revenu sur le devant de la scène avec l'inventif Edge of tomorrow (2014). Revoilà le duo Liman / Tom Cruise aux commandes de Barry Seal : American Trafic ou American Made pour le titre original (2017). Liman est d'autant plus impliqué que son père a participé aux enquêtes sur l'affaire Iran-Contra dans les 80's. Affaire qui est une conséquence présente dans le biopic que signe Doug Liman. En bon casse-cou qu'il est, Cruise a piloté durant la plupart de ses séquences aériennes. Le film s'est fait remarqué durant son tournage à cause d'un crash aérien. Un des avions utilisés pour le film (visiblement pour des repérages) s'est écrasé en Colombie suite à de mauvaises conditions météorologiques.
Une affaire un peu étouffée depuis les faits survenus en septembre 2015 et qui refont surface depuis la sortie du film. Pas forcément une bonne affaire pour Cruise, ni pour les producteurs, mais pas assez pour entacher le succès du film (122 millions de dollars au total et même si le box-office us est petit, le film est remboursé avec 50 millions de budget). On verra si l'affaire aura des suites... Pour en revenir au film, American Made s'avère assez classique dans sa structure. Ce n'est pas le premier film avec un personnage trouble (si possible qui a bel et bien existé) qui monte et qui descend. C'est le cas de films comme Casino (Martin Scorsese, 1995), Scarface (Howard Hawks, 1932) ou même tout récemment War dogs (Todd Phillips, 2016). Si bien qu'American Made aura un goût de film pas forcément novateur. D'autant que comme le film aborde le cartel de Medellin, certains aspects ont été traité dans la série Narcos (2015-) et des films évoquant le cartel. Toutefois, tout est une question de traitement et de ce que le réalisateur et les scénaristes veulent montrer. En l'occurrence, American Made s'aventure davantage dans le potache et se révèle plus amusant que le film de Phillips qui jouait plus sur l'amitié tragique de ses trafiquants d'armes en titre.
Certainement parce que Barry Seal (Cruise) se retrouve dans des histoires tellement grosses qu'on a parfois du mal à ne pas en rire. Pourtant la plupart des événements relatés dans le film (certains sont réarrangés ou modifiés, ce qui n'a rien de nouveau dans un biopic) sont bel et bien arrivés, rendant le film encore plus frappadingue qu'il ne l'est déjà. Tout d'abord la confiance quasiment aveugle qu'entretient l'agent de la CIA joué par Domhall Gleeson et Seal. L'impérialisme des USA qui installe des politiciens à la tête de pays sud-américains, sans se rendre compte qu'il se fait plumer en beauté. Ou comment se tirer une balle dans le pied sans s'en rendre compte. Le plus drôle est évidemment qu'une erreur est souvent répétée par les mêmes personnes en pensant bien faire (ce qui amène à l'affaire Iran-Contra). Ce qui donne un air complètement naïf et jubilatoire au personnage de Gleeson. Ici, nos chers services secrets ricains en sont venus à financer des barons de la drogue comme Pablo Escobar en pensant entraîner des armées révolutionnaires sud-américaines. Si ce n'était pas vrai, on pourrait se demander qui est le fou qui a eu une idée pareille, mais la réalité est beaucoup plus délirante. Tout cela par le biais d'un simple pilote d'avion devenu au fil des temps un trafiquant de drogue, d'armes et un agent infiltré !
Un business qui a rendu Seal intouchable (la scène chez le procureur est géniale à ce propos) et particulièrement friqué. Le rêve américain sous le signe de l'illégalité et financé en partie par le gouvernement. Liman s'en amuse en traitant cette histoire sous le signe de la comédie et il valait mieux au vue d'un certain nombre de situations cocasses ou critiques envers les USA. Le réalisateur n'en est pas à sa première fois. La mémoire dans la peau montrait un agent amnésique autrefois chargé d'exécuter un chef d'Etat gênant pour les USA. Il s'était attaqué à l'affaire brûlante autour de l'armement nucléaire de l'Irak au centre même de la Guerre en Irak dans Fair game (2010). Il n'y a donc rien d'étonnant à voir ce réalisateur sur ce terrain là, le plus cocasse est peut être qu'un studio a financé ce film avec une certaine facilité. Peut être par la seule présence de Tom Cruise. En tous cas, l'acteur se révèle impeccable et comme souvent quand il joue un rôle plus ou moins comique ou à contre-emploi, il excelle. Même si American Made n'est pas totalement une prise de risque du niveau d'un Tropic Thunder (Ben Stiller, 2008). On peut en revanche avoir une réserve sur Madame Seal, puisque le personnage s'avère assez peu utile et fait surtout passer Sarah Wright pour une potiche. Si l'ost est surtout composée de chansons, elle s'avère bien dans le ton et les rares compositions de Christophe Beck sont efficaces.
Si la structure du film n'a rien de nouvelle, American Made s'amuse efficacement à torpiller le gouvernement américain dans son hypocrisie la plus hilarante.