Séance prise entre la neige et le soleil
L'Antichambre de Borat débarque en 2018 avec sa première séance, mais probablement pas sa dernière séquence. Comme d'habitude, trois films chroniqués dans des critiques plus directes, moins longues, mais tout aussi pertinentes. Au programme : un Nul au pays du Père Noël ; une histoire de fantômes ; et le quotidien des motels floridiens. Ready ? Go ! (attention spoilers)
On avait quitté Alain Chabat sur le sympathique mais imparfait Sur la piste du Marsupilami (2012). Le revoilà en Papa Noël pour le plaisir du public. L'air de rien, Chabat a toujours été généreux avec ses réalisations, n'hésitant pas à utiliser les gros moyens pour assouvir ses ambitions (y compris quand c'est mauvais comme RRRrrrrr!!!).
Santa et cie (2017) ne déroge pas à la règle, utilisant pleinement son budget (environ 22 millions d'euros) pour un pur spectacle familial. Les effets-spéciaux sont superbes, que ce soit le nombre de lutins présents à l'écran, les vols du traîneau ou même les rennes.
Cela fait plaisir de voir qu'en France, nous sommes encore capables de faire des films populaires où l'argent se voit à l'écran. Surtout à une époque où ce type de films est synonyme de produits lourdingues ou mauvais pour les chaînes de télévision, où le gag visuel est poussif et ridicule. Ou tout simplement des films trop chers pour ce qu'ils montrent à l'écran.
Si encore une fois Chabat ne retrouve pas la force de Mission Cléopatre (encore aujourd'hui un sommet de divertissement populaire où le budget était dans chaque minute du film), Santa et cie en a à revendre. Chabat dévoile un film de noël tout ce qu'il y a de plus simple et efficace, qui tutoie Super Noël (John Pasquin, 1994) et Le Miracle sur la 34ème rue (George Seaton, 1947).
Le premier par l'univers du Père Noël largement dévoilé, le concept de la liste, la hiérarchisation des lutins et la fabrique de jouets. Le second parce que les gens ne veulent pas croire que Chabat est le Père Noël et il passe par la case prison.
Même au niveau de l'humour, Chabat se veut large, alignant les répliques et gags savoureux comme les plus discrets et tout aussi géniaux (comme un certain Jean-Pierre en Père Noël). Un petit bonbon qui fait plaisir à voir et assez imaginatif pour combler le spectateur. On ne peut pas en dire autant de tous les gros budgets français...
Tourné juste après le remake réussi de Peter et Elliott le dragon (David Lowery, 2016), A Ghost Story (2017) s'est fait remarquer par les réactions des spectateurs à diverses scènes. Sorti le 20 décembre dernier en France, soit plusieurs mois après sa sortie US (avec le téléchargement illégal qui va avec), le film a réussi à se faire une belle portion de défenseurs malgré sa rudesse.
A Ghost Story n'est clairement pas une oeuvre accessible à tout le monde et est même tout le contraire du film précédemment chroniqué. En bon texan, David Lowery est un enfant du cinéma de Terrence Malick et ce film tend à confirmer cela.
Très contemplatif, A Ghost Story dévoile un flot de plans longs, s'étirant parfois jusqu'à plus soif. A l'image d'un plan montrant une malle emmenée par Rooney Mara dehors, où la caméra fait à peine un petit mouvement. Puis évidemment il y a la fameuse scène de la tarte qui dure au moins cinq bonnes minutes et s'avère un poil gênante.
Au point de se demander par moments où veut en venir Lowery, que ce soit dans son récit assez minimaliste (jusque dans le look de son fantôme) ou dans sa réalisation très / trop contemplative. Le début est ainsi très particulier et emporte le spectateur dans le récit d'un homme devenu fantôme. A partir de là, il va vivre différentes vies, dans différentes temporalités.
On comprend alors que le réalisateur ne se focalise pas tant sur le récit de fantômes pour privilégier le travail de deuil (que ce soit des vivants envers leurs proches ou des morts qui perdent leur aspect charnel), la mort et le temps. Un des aspects phares du film de fantômes est que le fantôme en vient toujours à prendre comme hantise un lieu qu'il connaît bien.
Il le confirme ici en confrontant son fantôme à la maison qu'il a habité et à ce qu'elle devient au fil des années futures comme passées. Faire des fantômes des personnages sous des draps blancs permet de les différencier directement des autres humains, mais également de donner une certaine distance.
Un couple qui se perd par l'éloignement (à la fois par la vie, mais aussi dans la spatialisation des personnages dans la maison) ou la joie d'une famille face à un fantôme en colère sont de bons exemples. A Ghost Story est un film assez complexe sous des aspects pas si nouveaux, mais abordés d'une manière atypique. Après cela passe ou ça casse selon les spectateurs et leurs attentes.
Autre grosse sensation indépendante du moment et sorti le même jour en France, The Florida Project (Sean Baker, 2017) a lui aussi eu le mérite d'attirer la curiosité. Curieusement s'il est bien plus accessible que le film suscité, il est nettement moins convaincant.
Pourtant, le film se révèle assez intéressant dans ses grandes largeurs. Il met en scène une femme (Bria Vinaite) et sa fille (Brooklynn Prince) vivant dans un motel au violet clinquant géré par Willem Dafoe.
Sean Baker s'amuse du contexte, dézinguant des endroits fortement colorés alors qu'ils sont parfois les témoins de trafics de drogues, de violences, de prostitution ou même de pédophilie. La vie n'est donc pas aussi rose que le soleil radieux montré durant les trois quarts du film ou dans les programmes vus par les enfants.
De la même manière, les relations entre les personnages ont tendance à changer du tout au tout. On nous montre la mère et sa voisine (Valeria Cotto) copines comme cul et chemise, avant que les deux ne se brouillent pour des motifs aussi ridicules qu'un endroit abandonné qui brûle.
La relation entre Dafoe et Vinaite est assez spéciale également, car s'ils sont deux adultes, le gérant a tendance à beaucoup materner la mère. Comme il sert souvent de grand-père à sa fille. De la même manière, le réalisateur s'attarde beaucoup sur l'amitié qui unit la petite à ses trois amis. Ce qui permet un aspect plus tendre à un film un brin doux-amer. D'autant que les acteurs sont dans l'ensemble assez convaincant.
Le hic vient de sa fin. Certains la trouvent logique compte tenu de l'environnement. Pourtant, elle apparaît plus comme une manière ratée de finir un film. Du genre où l'on ne sait pas du tout comment le finir et où le réalisateur en vient à aller vers la facilité en perdant toute forme de cohérence.
Une fin qui plombe le film à elle toute seule. Dommage pour un film qui allait vers une direction assez réaliste et qui finit par perdre pied dans une illusion de trop.
A la prochaine !