"Le cinéma français c'est de la merde !", "Le cinéma de genre français existe ?"... Vous en avez marre d'entendre systématiquement les mêmes reproches envers le cinéma français ? Alors cette rubrique est faites pour vous. Les films français de qualité ne manquent pas, qu'ils soient des 80's ou de 2000's. L'occasion d'évoquer des films français ou réalisés par des français que j'aime à divers degrés ou même quelques curiosités qui mériteraient un peu plus de visibilité. En ces temps de déconfinement, voici trois films à (re) découvrir !

  • Irréversible (Gaspar Noé, 2002)

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L'édition 2002 du Festival de Cannes est restée dans les mémoires pour sa Palme d'or réalisée par un des sujets poil à gratter des réseaux sociaux et un des films les plus polémiques de ces vingt dernières années. Le second long-métrage de Gaspar Noé a fait son effet, provoquant un tollé lors de sa projection, au point d'accumuler les départs de salles et des malaises. Les réactions ne se sont pas faites attendre, certains dézinguant les partis-pris de mise en scène de Noé, la plupart évoquant la violence du film et notamment sa fameuse scène de viol d'un peu plus de dix minutes. Bien qu'interdit (à raison) aux moins de 16 ans, Irréversible a tout de même attiré 598 812 entrées, un score que son réalisateur n'a jamais retrouvé par la suite.

Le film a toujours gardé son aura scandaleuse au fil du temps, se présentant comme une oeuvre dure à ne pas mettre entre toutes les mains. Il bénéficie également d'un grand culte, s'imposant comme un des films français marquants des 2000's. Ce qui a certainement dû aider au financement d'Enter the void, film suivant de Noé (2009). Irréversible a désormais deux versions : la première avec la fin de l'histoire en premier, amenant ensuite à des scènes antérieures et la seconde sortant en ce moment plus classique et avec de légères coupes. N'ayant pas vu la nouvelle version (que vous pouvez voir en ce moment au cinéma, comme la première), évoquons le coup de massue de 2002.

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Plus qu'un film bêtement violent (ce qui lui a souvent été reproché depuis 18 ans), Irréversible s'impose comme un film triste où l'on assiste à la déchéance de trois personnages qui s'aiment et dont la vie s'arrête en un peu plus d'un quart d'heure. Le bonheur entrevu en fin de film est illusoire, détruit par un chaos d'ouverture qui laisse hagard. Vincent Cassel et Albert Dupontel deviennent des bêtes, l'un plus rapidement que l'autre dans un fracas d'injures et de violence à vous en ravaler la façade. La scène dans le Rectum est une véritable descente aux enfers avec sa débauche, son rouge omniprésent et sa vengeance qui ne mène à rien avec un goût d'échec en bouche. Les coups d'extincteur marquent durablement, faisant plonger le personnage le plus censé du duo dans un état de sauvagerie incroyable. Les effets-spéciaux sont encore exceptionnels, mélange réussi de prises de vue avec acteurs, avec mannequins et de cgi.

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Et puis il y a le fameux viol. Une scène éprouvante et émouvante, le spectateur souffrant aux côtés de Monica Bellucci. Il n'y a aucun échappatoire, Noé faisant subir un calvaire aussi bien à son personnage qu'au spectateur dans un choc émotionnel terrible. Le spectateur n'oubliera jamais ces deux passages par la suite, rendant les scènes suivantes souvent plus apaisées d'autant plus tragiques. Le spectateur a vu la chute et va maintenant voir un bonheur de courte durée et sans avenir. L'investissement des trois acteurs principaux est indéniable et Jo Prestia signe également une prestation monstrueuse. La mise en scène aérienne de Noé peut parfois lui porter préjudice dans certains mouvements, d'autant que le film se présente comme un ensemble de plans-séquences.

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Ce qui donne parfois des plans un peu flous, renforcés par les mouvements de caméra et la lumière. Sans compter que cela peut faire tourner la tête, à l'image du tout dernier plan (les malaises n'étaient peut-être pas liés qu'à la violence du film). Irréversible est une expérience radicale qui reste longtemps en tête. Elle déroute, mais cela n'en fait pas un mauvais film, ni un film honteux. Comme disait l'autre : va et regarde.

  • Fantasmagorie (Emile Cohl, 1908)

Avant même que le cinéma ne soit officialisé, des instruments comme le Zootrope ou le Phénakistiscope permettaient de voir des dessins en mouvement grâce à différents procédés. Le cinéma d'animation naquit officiellement au cours des années 1890 grâce à des artistes comme Emile Reynaud. Emile Cohl fait partie de ces réalisateurs français ayant expérimenter en animation au début du siècle dernier, s'imposant parmi les premières stars du milieu. S'inspirant d'Humorous phases of funny faces (James Stuart Blackton, 1906), premier film d'animation réalisé sur support argentique, Cohl reprend le principe de l'artiste qui dessine avant de laisser vivre ses personnages dans un univers surréaliste, permettant toutes les folies possibles. Des dessins non pas réalisés à la craie sur un tableau noir, mais à l'encre de chine sur une feuille blanche et dont le contretype du négatif a permis d'inverser les couleurs.

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Ce qui s'avère un tour de passe-passe de plus dans un film qui n'en manque pas, son petit clown laissant sa place à un homme bien embêté par une femme aux cheveux encombrants. Un gag faisant suite à une série d'autres tout aussi imaginatifs, Cohl se faisant plaisir avec ses personnages, n'hésitant pas à jouer avec leur anatomie. Le petit clown grossit, perd la tête et en vient même à être rafistoler en cours de route. Fantasmagorie est le début d'une grande aventure pour ce réalisateur dont vous pouvez voir certains de ses films sur Youtube (voir https://www.youtube.com/playlist?list=PLue4rhsHxp6_AKHbN2AP-bmAYLD0n9n1o).

  • Cent mille dollars au soleil (Henri Verneuil, 1964)

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Présenté en compétition au Festival de Cannes l'année du sacre des Parapluies de Cherbourg (Jacques Demy, 1964), le film d'Henri Verneuil est un film d'aventure digne de son époque. Et quoi de mieux que d'avoir dans ses rangs Jean Paul Belmondo, acteur en passe de devenir le roi de la cascade made in France. Face à un autre célèbre homme d'action Lino Ventura, Bebel s'en va dans le désert, cet endroit où il ne faut pas rester trop longtemps. Dans un certain sens, le film a quelques points communs avec Le salaire de la peur (Henri-Georges Clouzot, 1953). Tous les deux sont adaptés d'un roman (ici Nous n'irons pas au Nigéria de Claude Veillot) et mettent en scène des camionneurs un peu perdus dans le désert, roulant sous le cagnard avec une cargaison importante. La différence est qu'il n'y a pas de contenu explosif dans les camions et que les conducteurs n'essayent pas d'arriver en vie au point final.

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Ici Bebel a volé un camion à son patron (Gert Fröbe aka Goldfinger) avec une marchandise à prix d'or qu'il n'était pas censé conduire. Comme dans Pulp fiction (Quentin Tarantino, 1994) avec sa fameuse mallette, on ne saura jamais ce qu'il y a dans le fameux camion. Verneuil privilégie une poursuite frappadingue entre Bebel et Ventura remonté comme un coucou. Le premier fait tout pour que le second ne le retrouve pas et ce dernier va perdre le nord plus d'une fois sur le chemin. Bernard aka Blier les bons tuyaux apparaît comme un running gag jubilatoire, le bon gars toujours au bon endroit, au bon moment. Au fil du film, on sait que s'il arrive quelque chose à Ventura et Reginald Kernan, il sera là pour leur sauver la mise. Sauf une fois, mais gardons la surprise. En sachant que Blier se réserve un gag hilarant à base de peinture encore fraîche.

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Le film se dote même d'un twist d'autant plus cocasse qu'il est amené par une scène de baston pas loin d'être aussi interminable et drôle que celle de They live (John Carpenter, 1988). Verneuil signe un film d'aventure réjouissant, bien joué et où tous les personnages ont une carte à jouer. Bebel est le voleur, Ventura le soupe au lait pas si éloigné de lui, Kernan le mercenaire au passé trouble, Andréa Parisy la compagne pas si innocente qu'elle en a l'air... La caractérisation des personnages est simple, mais terriblement efficace, permettant au film de partir rapidement sur les chapeaux de roue. Simplicité et efficacité : parfois il suffit de pas grand chose pour signer un très bon film.

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A la prochaine !