Made in France II #2
"Le cinéma français c'est de la merde !", "Jean-Pierre Bacri à part râler il faisait quoi au cinéma ?"... Vous en avez marre d'entendre systématiquement les mêmes reproches envers le cinéma français ? Alors cette rubrique est faites pour vous. Les films français de qualité ne manquent pas, qu'ils soient des 2010's ou des 90's. L'occasion d'évoquer des films français ou réalisés par des français que j'aime à divers degrés ; ou même quelques curiosités qui mériteraient un peu plus de visibilité. Pour cette nouvelle édition, revenons sur un grand acteur qui nous a quitté récemment, Jean-Pierre Bacri. En ces temps de confinement partiel, voici trois films à (re) découvrir !
- L'été en pente douce (Gérard Krawczyk, 1987)
- Mes meilleurs copains (Jean-Marie Poiré, 1989)
Oubliez les courtes focales en grand angle de Jean Marie Poiré, ainsi que le Christian Clavier hystérique qui gueule "OK" ou "Vive le chocolat !". Ici on est entre potes. Une époque où les deux savaient encore faire de vrais bons films ensemble. Jean-Marie Poiré signait là son film le plus personnel et pourtant il a sévèrement bidé (plus de 358 000 entrées). Il aura fallu de multiples rediffusions pour que Mes meilleurs copains soit considéré comme un film culte. Après cela, le réalisateur partira dans un délire hystérique omniprésent, avec montage à l'arrache si possible jusqu'à un dernier Visiteurs (2016) que tout le monde a envie d'oublier. Mes meilleurs copains est tout simple : des amis se retrouvent dans la maison de l'un d'entre eux. Tout repose sur l'osmose entre les personnages et en soi les acteurs dans un lieu unique et une courte unité de temps, le reste étant composé de flashbacks.
Un aspect qui ne fut pas si évident, puisque les acteurs et le réalisateur ne s'entendaient pas aussi bien que cela, ou du moins il y avait des clans bien distincts (Jean-Pierre Bacri était souvent avec Gérard Lanvin et Jean-Pierre Darroussin et se faisait régulièrement engueulé par Poiré). On oscille entre rires et une certaine gravité avec le sentiment de vouloir rester avec les personnages encore un petit peu. Tous les personnages n'ont pas droit à la même caractérisation ou à la même importance. Mais il y a quelque chose d'intéressant dans chacun. Jean-Pierre Darroussin a beau joué un mec type baba cool, c'est avant tout un homme qui revient d'un deuil brutal et dont personne n'ose réellement parlé à part lui. Un personnage aussi attachant que terriblement drôle et que l'acteur joue avec un naturel désarçonnant.
Clavier interprète un homme restant dans le passé et se focalisant trop sur certains détails. Jean-Pierre Bacri s'occupe d'un personnage encore plus singulier, celui d'un homosexuel ne voulant plus coucher avec des hommes depuis l'explosion du sida. Ce qui amène une mélancolie plus triste en comparaison de Clavier. Philippe Khorsand et Gérard Lanvin ont des personnages à la caractérisation plus directe (un metteur en scène croyant absolument que sa compagne le trompe et un homme marié qui fantasme encore sur son ex), ce qui ne les empêche pas d'être intéressants. D'autant que Lanvin jouait encore ses personnages de durs à cuir de manière sympathique et non en mode armoire à glace.
Puis le final sur Joe Cocker qui reprend une des meilleures chansons des Beatles emporte le tout dans un dernier plan savoureux. On peut donc trouver triste que Poiré n'a jamais retrouvé la qualité de ce film depuis, pas même avec Les Visiteurs (1993) qui reste son dernier bon film à ce jour.
- On connaît la chanson (Alain Resnais, 1997)
Alain Resnais a toujours varié les plaisirs, se distinguant par des influences diverses, allant d'HP Lovecraft sur Providence (1977) à la bande-dessinée avec I want to go home (et tous ses projets d'adaptations avortés tels que "L'île mystérieuse" ou "Mandrake"). Cela se confirme encore une fois avec On connaît la chanson, écrit par le duo Agnès Jaoui - Jean-Pierre Bacri déjà à l'origine de son dyptique Smoking / No smoking (1993). Le concept se révèle assez farfelu : un film choral où plusieurs passages de dialogues sont remplacés par des chansons bien connues jouées en playback par les acteurs. Imaginez André Dussollier s'imaginant dans la garde républicaine en chantant Vertige de l'amour (Alain Bashung, 1980) et vous aurez déjà une image du délire global du film.
D'autant que le choix des chansons s'avère varié avec du Gilbert Bécaud, Johnny Hallyday (Dussollier décidément en feu), Serge Lama, Léo Ferré, Eddy Mitchell, Téléphone ou Serge Gainsbourg. Le délire du playback aurait pu être ridicule au bout d'un moment et pourtant Resnais rend les interludes musicaux amusants à regarder. D'autant plus qu'ils correspondent parfaitement aux tempéraments et pensées des personnages. Comme les anciennes relations entre Bacri et Sabine Azéma ou Pierre Arditi hésitant de plus en plus à quitter Azéma avant de s'arrêter net. Sans compter le Résiste de France Gall (1981) qui n'en devient que plus évident avec Agnès Jaoui au bord du gouffre.
Puis on se demande à chaque fois quelle chanson va passer à la casserole et la surprise n'en est que meilleure. Les acteurs se donnent à fond pour donner cœur au concept. Le film s'articule sur divers personnages : Bacri est hypocondriaque et son mariage semble au point mort ; Arditi ne sait plus quoi faire avec Azéma, plus préoccupée à l'idée de trouver un appartement ; Jaoui est amoureuse d'un type dont l'employé est amoureux d'elle. Un chassé-croisé tantôt très fun, souvent romantique, parfois triste, quelques fois explosif (Azéma qui apprend les raisons du prix de l'appartement est un grand moment de rigolade). Un grand cru du réalisateur qui s'est imposé aux Césars (sept dont meilleur film), en plus d'être un beau succès en salles (2,6 millions d'entrées).
A la prochaine !