Made in France II #4
"Le cinéma français c'est de la merde !", "La science-fiction française, ça bide parce que c'est nul, personne ne veut voir ça"... Vous en avez marre d'entendre systématiquement les mêmes reproches envers le cinéma français ? Alors cette rubrique est faites pour vous. Les films français de qualité ne manquent pas, qu'ils soient des 2010's ou des 90's. L'occasion d'évoquer des films français ou réalisés par des français que j'aime à divers degrés ; ou même quelques curiosités qui mériteraient un peu plus de visibilité. Pour cette nouvelle édition, revenons sur trois films actuellement dans les salles. En ces temps de déconfinement partiel, voici trois films à (re) découvrir !
- Adieu les cons (Albert Dupontel, 2020)
- Petit Vampire (Joann Sfar, 2020)
Un des derniers films sortis dans les salles françaises en 2020 était également un de ses meilleurs. Sa ressortie dans les salles est l'occasion de revenir sur ce beau film d'animation. Joann Sfar s'est mis au cinéma depuis le début des 2010's avec des films live-action (le très bon biopic fantaisiste sur Serge Gainsbourg et La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil) et animés. L'occasion dans le second cas d'adapter ses bandes-dessinées, comme Le chat du rabbin (2002-) et désormais Petit Vampire (1999-). Pour une question de budget, le film ne s'est pas fait en cgi, ce qui n'empêche absolument pas le film d'être beau en animation traditionnelle.
Le film confirme que l'animation française existe toujours en bien, quitte à monter des petits studios pour l'occasion (il s'agit du premier film réalisé par Magical Society, boîte fondée par Sfar et le producteur Aton Soumache). Durant la pré-production, des acteurs et cascadeurs ont d'ailleurs été amené à faire certains passages du film en live-action pour ensuite être repris en animation. Ce qui se ressent notamment durant des scènes d'action particulièrement efficaces, utilisant au maximum les morphologies diverses des personnages (dont un personnage avec la tête en forme de croissant de lune). Au niveau de l'univers, le film se rapproche beaucoup de L'étrange noël de Mr Jack (Henry Selick, 1993) avec son microcosme de personnages horrifiques ou fantastiques divers et variés.
Que ce soit le Capitaine homme-squelette, Petit Vampire et sa maman également suçeuse de sang, le chien à l'accent bien du sud, un homme victime de ses expériences, un crocodile, une créature similaire à celle de Frankenstein, une figure de proue amoureuse de son capitaine, sans compter des monstres faisant allusion à la Créature du lac noir ou au Cri de Munch (1893). Même la maison fait aussi bien penser à la maison de Norman Bates qu'à son adaptation par Walt Disney en Manoir Hanté. Là où Sfar se révèle d'autant plus intriguant est qu'il rend hommage à un cinéma d'horreur pas forcément connu du jeune public, voire même pas pour eux à la base, quitte à leur donner envie de s'y attarder par la suite. Ainsi, le ciné-club est l'occasion de voir défiler des films de la Hammer et de Roger Corman.
Un choix de films pas si illogique étant donné que ces créatures existent depuis longtemps et ont pu collectionner les bobines au fil du XXème siècle. Joann Sfar se révèle être dans la même logique qu'un Joe Dante quand il fait des allusions à des films spécifiques dans Panic sur Florida Beach (1993) par exemple. Ensuite il y a l'histoire de l'amitié entre Petit Vampire et Michel qui s'avère touchante. D'un côté, le petit garçon qui ne peut pas grandir, voulant avoir une vie plus épanouissante malgré une famille gargantuesque et de l'autre, l'orphelin qui vit avec ses grands-parents et n'a pas peur des monstres. Ces deux-là ne pouvaient que se rencontrer. Petit Vampire est donc un film très plaisant, bien réalisé et bénéficiant d'ailleurs d'un très beau climax.
D'autant qu'il s'agit d'un film pouvant aussi bien plaire aux petits qu'aux fans de genre plus âgés au même titre que Mr Jack ou des films sur La famille Addams réalisés par Barry Sonnenfeld (1991-93).
- Le Dernier Voyage (Romain Quirot, 2021)
Si la musique d'Etienne Forget lorgne un peu trop sur l'Interstellar d'Hans Zimmer (2014) pour le climax, tout en restant convaincante sur le reste du film ; la soundtrack peut s'aider d'Eddy Mitchell pour une scène de baston accoudée au flipper et de Barbara pour une conclusion mélancolique. Un peu à l'image d'un film qui oscille sans cesse entre une mélancolie imprégnant ses personnages principaux et la violence de l'univers. Le monde du Dernier Voyage ne fait pas de cadeau avec un mari parti chercher des livraisons, un père qui montre vite sa toxicité, un frère changeant avec un sourire génialement carnassier (Paul Hamy parfait bad guy de circonstance et pouvant faire des concours avec Willem Dafoe), des robots entre les Troopers de Star Wars (1977-) et les robots flics de Neill Blomkamp fous de la gâchette et un Atlas des temps modernes.
Le héros porte le salut de l'Humanité sur ses épaules, fuyant un destin qu'il ne veut pas. Le dernier voyage ou l'acceptation d'une quête inévitable. Hugo Becker incarne un héros sincère et combatif à sa manière face à une jeune Lya Oussadit-Lessert convaincante en adolescente ayant encore de l'espoir dans un environnement qui n'en a plus tellement. Le Dernier Voyage se présente donc comme une quête intimiste ne reposant pas que sur l'action ou le spectaculaire. Certes on est ébloui par la direction artistique irréprochable du film, mais le film repose sur des enjeux purement humains, loin de faire de ses personnages humains des super-héros surpuissants. Ici quand on meurt, on ne revient pas à la vie par un claquement de doigt. Quirot a surement dû faire face à un budget bien loin des folies d'Europacorp, au vue de sa manière de filmer certains plans ou son habitude aux fondus au noir.
Ainsi pour pas mal de plans se déroulant dans l'Espace, il va plutôt miser sur le cockpit avec difficultés hors-champ. Pour conclure une des scènes les plus spectaculaires du film, il va utiliser un fondu surement par souci d'économie (on se doute que ce détail de la scène aurait coûté cher). Mais au vue de ce qu'il réussit à montrer avec son budget, Quirot n'en est que plus méritant et on ne va pas chipoter longtemps sur ces aspects tenant de la pure débrouille. D'autant qu'il est l'un des rares à avoir bien su passer après George Miller, loin de faire du pur recopiage de sa Fury Road (2015). Et là non plus pas besoin de surexplication pour comprendre un univers, il suffit parfois de quelques détails et le tour est joué. On ne pouvait également pas voir plus symbolique qu'une scène dans un cinéma la semaine de réouverture des salles. Quirot confirme que la science-fiction existe bel et bien en France en terme de qualité et s'impose comme un réalisateur à suivre avec attention.
A la prochaine !