Nous sommes tous faits de rouille et d'os

Ali est un jeune paumé vivant de petits boulots, tout en essayant d'éduquer son fils et s'installant chez sa soeur. Stéphanie est une jeune femme voulant qu'on la voie et dreseuse d'orque à Marineland. Lors d'une bagarre causée par elle, Ali va la rencontrer...

Après avoir pendant quelques jours tourner autour du pot, attardons nous enfin sur un des films de la compétition de cette nouvelle édition du clinquant et poudrée Festival de Cannes. Cela faisait depuis 2009 et son prodigieux Prophète que le fils Audiard n'avait pas donné de signe de vie. Il était temps de rattraper le coup avec l'adaptation d'une des nouvelles du recueil Un goût de rouille et d'os. Pour cela, Jacques Audiard ira jusqu'à braver l'impossible puisque Marion Cotillard devra tourner en secret puisque ayant un contrat d'exclusivité sur The Dark Knight Rises en cas de reshoots. Hou la vilaine Marion! Ce n'est pas bien! Accessoirement, voilà le genre de news hilarantes car inutiles sortant parfois de chez Première.fr. Pour l'accompagner, on retrouve Matthias Schoenaerts, révélation belge récente qui pourra se targuer d'avoir tourner avec le grand Popaul dans Black Book. Autant dire que sur un CV, ça a de la gueule! Bouli Lanners, Céline Sallette et Corinne Masiero sont également de la partie. Depuis quelques jours, les Guignols se payent la tête du film en mettant en scène un François Cluzet (marionnettisé pour le coup et déjà culte) énervé qu'on est fait un Intouchables 2!

Il est vrai qu'on peut voir quelques similitudes avec un handicapé ne pouvant bouger les jambes; un mec très grand, un peu paumé et bourrin; deux êtres n'ayant rien à voir mais finissant par s'apprécier... C'est clair que la comparaison est de mise pour le spectateur et pourtant Audiard contrebalance cela assez vite. Clairement on n'est pas dans le même univers et encore moins dans la même ambition. Si l'un allait vers la comédie tendre, là on rigole rarement. Argument de poids: la Cotillard se révèle intéressante. A croire que lui enlever les pieds, ça la rend meilleure actrice! Bon je sais je suis méchant, mais j'ai rarement été subjugué par ses prestations en dehors d'Inception, où elle était fantastique en femme fatale. Là pour le coup, on comprend la douleur de son personnage fauché par une orque. D'ailleurs la séquence de l'accident s'avère assez spectaculaire, montrant une nature bestiale voire crépusculaire. On le voit par le plan-séquence longeant le corps de l'animal puis par les débris avec évidemment les jambes ensanglantées de Cotillard. Un balais macabre plutôt pas mal.

Audiard ne cessera de repousser les limites de son actrice en la montrant sous un jour un peu plus accueillant et crédible que d'habitude. En femme prenant pleine possession d'un corps qui est coupé en deux, elle se révèle assez impeccable. Après de là à dire qu'elle va avoir un prix dimanche ou après, faut pas pousser non plus. Schoenaerts s'en prend plein la tronche lui aussi. Avide de système D et autres magouilles pour gagner sa croute, son personnage n'est pas gâté non plus. Forniqueur occasionnel (Audiard nous surprend plusieurs fois à rire à coup de montage passant d'un moment de regard à une partie de jambes en l'air parfois entrecoupé de téléphone!), boxeur dans des combats illégaux, c'est pourtant ce paumé qui va sauver la jeune femme à la dérive connue lors d'une soirée ayant mal tournée (surtout pour elle). Il lui donne envie de se battre. Inutile de vous dire que le rapport charnel aura bien lieu et même plusieurs fois mais pour Ali, les sentiments s'avèrent différents. Il prendra plus tard conscience de l'influence de Stéphanie sur lui.

Sans compter qu'il est responsable des malheurs de sa soeur qui l'héberge. Tant de problèmes qu'il essayera de régler avec le temps. L'acteur se révèle impressionnant aussi bien physiquement que dans son jeu à la fois brutal et sympathique. Difficile de ne pas s'attacher à ce paumé essayant de survivre de petits boulots et auquel le destin n'épargne rien et surtout un final qui aurait bien pu ne pas être un happy end. De rouille et d'os est donc une histoire à la fois sur une amitié improbable (comme le disait Audiard sur le synopsie publié qui n'est donc pas le mien comme d'habitude, on a la princesse et le pauvre) et sur un couple qui ne va pas ensemble et pourtant si. L'apparence est donc trompeuse et on peut revivre même en étant handicapé de membres. C'est ce que nous dit Audiard dans ce film certes un peu long à démarrer mais s'avèrant impeccable une fois mis en place. Si Audiard ne fait pas mieux qu'Un prophète (ce qui s'avérait difficile quand même) ou même Sur mes lèvres, il signe un très beau retour. Et puis un film qui sort le jour de votre anniversaire ça porte bonheur en général (enfin, la dernière fois c'était le Da Vinci Code...).

Superbe retour pour Jacques Audiard avec un couple star pour le moins impeccable.

Comments

[borat8]

Tu fais ce que tu veux comme je disais mais c'est raté quelque chose. Un peu comme Titi qui ne veux pas voir Un prophète en se faisant des préjugés.

[2flicsamiami]

Heureusement que je fais ce que je veux ! :) C'est surtout une question de moment. Je préférais me faire une comédie passe partout qu'un drame.

[borat8]

Pas dit dans la critique mais la fin est pas terrible en effet. Dans les meilleurs pour l'instant mais pas dans le haut selon moi.

[selenie]

Un très beau et très bon film. J'émets juste un petit bémol sur la fin, le choix de l'ellipse et du choix de "carrière" du couple me touche pas... 17/20... Ca reste un des meilleurs films de l'année même si je préfère les précédents de Audiard.

[borat8]

Demain soir quoi!