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6 avril 2018

De l'animation à la fête des morts

Le concept de films qui abordent le même sujet et sortant sur un certain laps de temps n'est pas nouveau. Certains apparaissent même comme des films concurrents, avec souvent l'un d'entre-eux qui mord la poussière. Ce fut le cas du Robin des Bois de John Irvin qui a été littéralement bouffé par Robin des Bois prince des voleurs (Kevin Reynolds, 1991), au point que peu de gens se souviennent de son existence aujourd'hui. The Book of Life (Jorge Gutiérrez, 2014) et Coco (Lee Unkrich, 2017) ne sont pas des films concurrents, mais ils ont comme point commun d'être deux films d'animation abordant la fête des morts mexicaine et le folklore de la mort. Vu que les deux films sont complémentaires, les réunir dans un même article n'en est que plus logique. The Book of Life devance Coco (qui s'est produit assez rapidement) de trois ans et même beaucoup plus si l'on se fit à sa pré-production. Le projet est initialement lancé sous le joug de Dreamworks Animation en 2007. 

TBOL

A l'époque, le studio accumule les succès commerciaux depuis FourmiZ (Darnell, Johnson, 1998), malgré un niveau artistique pas toujours là (Gang de requins est un bon exemple). Jorge Gutiérrez est dans le circuit de l'animation depuis le début des 2000's, travaillant notamment sur des séries Nickelodeon. Quand Dreamworks dégage le projet de sa line-up, il est vite récupéré par la société d'animation Reel FX et la Fox. Le réalisateur a un autre appui : Guillermo del Toro à la production. Quoi de mieux qu'un grand réalisateur mexicain pour produire un film sur la culture mexicaine ? D'autant plus qu'entretemps, Del Toro est devenu consultant artistique et producteur pour Dreamworks Animation depuis Megamind (Tom McGrath, 2010) et s'intéresse à l'animation après quelques tentatives ratées (cf les téléfilms animés Hellboy diffusés entre 2006 et 2007). The Book of Life n'a pas été un carton au box-office, mais l'ensemble de ses recettes est plus que correct (99 millions de dollars récoltés pour 50 millions de budget). 

TBOL 2

De même, le film a été plutôt bien accueilli, mais il lui a manqué un gros succès populaire pour être suffisamment connu du grand public. Il met assez vite en place ses cartes. Une femme (Maria), deux hommes (Manolo et Joaquin) et des dieux de la mort (la Muerte et Xibalba) qui mettent en place leur destin. Chacun a son candidat et on sait comment cela va se passer en fonction des dieux. La Muerte est une déesse bienveillante, là où Xibalba est désigné dès les premières minutes comme un tricheur. Dès lors, on sait que l'affrontement entre Manolo et Joaquin sera faussé et que la difficulté n'en sera que plus intéressante. D'un côté, le torrero qui ne veut pas tuer le taureau et préfère chanter. De l'autre, le soldat avec une médaille qui lui est fort utile. Si le film était déjà charmant dans sa première partie, la seconde se révèle plus fascinante par son regard sur le monde des morts. The Book of Life devient alors une aventure trépidante où les enjeux deviennent différents alimentés par une montagne russe délirante. 

TBOL 3

Gutiérrez développe trois univers de la mort selon ceux qui les dirigent : ceux qui sont chaleureux et celui où l'ennui règne. A cela se rajoute une bande de bandits surnommés les Chacals, dont le chef a un aspect mécanique rappelant Wink dans Hellboy 2 (Del Toro, 2008). Le réalisateur n'hésite d'ailleurs pas à sacrifier des personnages, quitte à donner lieu à des coups de théâtre. Comme Unkrich avec Coco, Gutiérrez fait du monde des morts un univers festif où les membres d'une même famille sont rassemblés. Dans l'adversité, la famille lutte ensemble quitte à en perdre la tête. De même, les visages ont des motifs gravés comme le ferait les vivants pour fêter la fête des morts. Dans le film de Gutiérrez, les morts ont une lueur jaune dans l'oeil là où chez Unkrich, les yeux ne changent pas et le corps reste dans un aspect cartoon voulu. L'autre aspect intéressant est que dans The Book of Life les personnages du récit (donc pas ceux que l'on voit de nos jours) ressemblent à des figurines ou des marionnettes, ce qui est assez raccord avec l'idée que les dieux jouent avec eux tels des marionnettistes de l'ombre. 

TBOL 4

Les deux films partagent d'autres points communs et le plus fort reste la musique. Le héros de The Book of Life chante, ce que désapprouve son père. C'est pourtant son chant qui sauvera sa vie face à un taureau vengeur. Un message de tolérance dans la tauromachie que l'on ne verra pas tous les jours venant d'artistes latinos et qu'il est bon de voir dans un film tous public. Le film s'offre les services de Gustavo Santaolalla (oscarisé pour la musique du Secret de Brokeback Mountain) et de Paul Williams (éternel Swan de Phantom of the Paradise) pour la musique et les chansons, donnant lieu à une bande-originale folle. D'un côté, des reprises d'airs ou chansons bien connus comme l'Avé Maria, L'hymne à la joie (Friedrich von Schiller, 1785), Ecstasy of gold (Ennio Morricone, 1967), Creep (Radiohead, 1992), Da ya think i'm sexy ? (Rod Stewart, 1978) ou Can't help falling in love (Elvis Presley, 1961). 

De l'autre, des chansons inédites comme la superbe I love you too much. A chaque fois, les chansons sont employées pour des moments spécifiques et souvent en rapport à Manolo. Dans Coco, la vision est différente puisque le héros Miguel est confronté à une famille qui a renié la musique à cause du départ de son arrière-arrière grand-père musicien. Dès lors pour Miguel plus que pour Manolo, la musique devient un moyen transgressif de se faire entendre et d'être lui-même. La musique de Michael Giacchino arrive parfaitement à retranscrire l'ambiance mexicaine, mais surtout les chansons s'avèrent intéressantes aussi bien en espagnol, en anglais ou en français. C'est suffisamment rare pour le souligner, d'autant qu'en plus le doublage français est assez irréprochable (même Ary Abittan reste plus que sobre dans un rôle émouvant). Le plus ironique est qu'il s'agit peut-être de la première fois où Pixar mise sur des chansons (la dernière fois devait être Toy Story), ne manquant pas de permettre aux détracteurs de dire que cela donne un aspect Disney au film. Qu'à cela ne tiennent, les chansons de Germaine Franco et Adrian Molina sont magnifiques. 

Coco

Un polo loco et La Llorona sont des hymnes purement festifs et donnant lieu à des scènes endiablées (la chorégraphie de la seconde notamment). Quant à Remember me, comme ce fut le cas pour Moana (Clements, Musker, 2016), les compositeurs ont misé sur trois variantes sur une même chanson. La première joue sur le côté superstar à la Elvis du personnage Ernesto de la Cruz et son sens de la fête grandiloquent. Les versions suivantes sont totalement différentes et misent sur l'acoustique, loin des effets surfaits de la première version. Si la troisième version est très émouvante, la précédente l'est d'autant plus car elle apparaît comme le lien qui unit un père à sa fille. Là où The Book of Life développait un monde des morts gérés par des dieux, Coco va plutôt dans un côté administratif, avec une gare amenant au pont où les Morts peuvent aller chez les vivants le jour des morts. Autre élément intéressant, si le mort n'est pas célébré à travers une photo par quelqu'un, son corps disparaît dans les limbes.

C'est ce qui nous est montré à travers le fameux arrière-arrière grand-père de Miguel en passe de ne jamais pouvoir revoir son enfant. Dès lors, Coco devient une course-contre-la-montre terriblement émouvante (et largement alimentée par la chanson Remember me) pour que cette erreur soit réparée. Coco a un côté un brin prévisible dans sa construction narrative (ce que n'a ironiquement pas The Book of Life) et il n'est pas difficile de trouver qui est le fameux arrière-arrière grand-père que recherche Miguel durant tout le film. Ni la manière dont va se finir le film. Ce qui n'empêche pas le charme d'opérer par un lot de personnages attachants et des décors ravissants. De toutes manières, Pixar est arrivé à un tel niveau dans l'animation en CGI qu'elle est difficilement critiquable. The Book of Life n'a rien à lui envier, fort d'un style propre à son réalisateur et à une réalisation clairement inventive et fourmillante d'idées. Le premier film évoque le fait de casser les traditions, là où le second évoque plus la transmission d'un savoir.

Coco 2

 

En résulte, deux très bons films d'animation savant parler de la culture mexicaine à leur manière et musicalement forts. Jetez vous dessus. 

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