Le son de Compton est revenu à nos oreilles

Odyssée dans l'histoire du groupe NWA entre gloire et tensions...

Les choses ont bien changé depuis que NWA a fait trembler le rap et les rues de Compton avec son premier et seul véritable album (Ice Cube est parti après la tournée de Straight Outta Compton, suite à des embrouilles entre le manager Jerry Heller et lui). Ice Cube est devenu une star du cinéma (quoiqu'on dise, le rappeur s'est quand même retrouvé sur de grosses productions comme Anaconda de Luis Llosa ou les 21 Jump Street du duo Lord/Miller, et a tutoyé Big John) quand Dr Dre a su s'imposer au fil de collaborations fructueuses avec le rappeur blanc du Missouri et celui qui a toujours cinquante centimes en poche. DJ Yella serait vraisemblablement devenu producteur de films gourmands et croquants interdits aux moins de 18 ans, tandis que MC Ren a continué dans le rap. Quant à Eazy E, il n'est plus de ce monde depuis l'an 1995 après avoir contracter le VIH. Le projet de biopic autour du groupe date du début des 2000's avec un scénario adoubé par Tomica Woods-Wright (l'épouse d'Eazy E) et signé Alan Wenkus et S Leigh Savidge. A cette époque, il était question que New Line Cinema soit à la production et Andrea Berloff s'occupait de réécritures, suite à l'implication d'Ice Cube à la production du film. Peter Berg, Craig Brewer (Black Snake Moan) et John
Singleton (qui fut le premier à faire tourner Ice Cube dans Boyz N the hood en 1991) furent approchés à la réalisation, mais ce fut
finalement F Gary Gray qui hérita de ce biopic brûlant.

New Line finit par définitivement fusionné avec Warner et la nouvelle direction se désintéresse rapidement du projet, laissant place à Universal qui en fera un de ses plus gros succès de cette année (un sur une dizaine de hits, dont le fameux Jurassic World de Colin Trevorrow). De quoi s'en mordre les doigts au studio de Freddy Krueger. Straight Outta Compton est un biopic comme on en voit plein à la différence qu'il s'installe dans un contexte fort. Quand NWA sort l'album éponyme (1987), la communauté afro-américaine n'a jamais été aussi persécuté par la police et les textes de NWA annonçaient ni plus, ni moins ce qui aller exploser au début des années 90 avec l'agression filmée de Rodney King, les émeutes qui suivront et cette série de films qui évoqueront la misère afro-américaine. La majorité des événements se déroulant avant 1991, le contexte social n'en est que plus fort et F Gary Gray montre l'ascenssion de petits banlieusards en stars musicales pleines au as dans un milieu étrange. Personne n'était prêt à un rap aussi virulant, ni même à ce que des afro-américains réussissent à rameuter un public aussi large avec leur musique. Des petits partis de rien et s'étant installé dans le milieu musical par leur travail et un certain Jerry Heller (incarné par le brillant Paul Giamatti). Heller était à la fois le mentor d'Eazy E, mais aussi le manager à sa manière de NWA. 

Le projet étant ce qu'il est (produit par les membres vivants et F Gary Gray a déjà collaboré avec Ice Cube sur divers projets), il n'est pas étonnant que le portrait de Jerry Heller soit aussi négatif. Dès son introduction, il est présenté comme un vendeur de disques tout fier de montrer sa réussite et cherchant à tout prix à signer un contrat juteux à sa nouvelle chose du moment. Un producteur qui connaît le milieu et sait comment en profiter un maximum. Ses discussions avec Ice Cube sont assez évidentes de sens, concordant plus avec une vision des faits bien plus personnelle que véridique (Giamatti dans le noir profond de sa chambre, filmé comme un Don Vito Corleone du monde de la musique!). C'est d'ailleurs un des principaux points négatifs de Straight Outta Compton, le point de vue romancé pouvant gêner le spectateur un peu plus regardant des faits. On voit bien qu'Heller n'a pas été appelé à participer à la conception du film (il l'a dit lui-même à la sortie américaine du film) et que Ice Cube a largement balisé le terrain. Rien d'étonnant, mais un peu plus d'objectivité n'aurait pas fait de mal. Idem pour le générique de fin qui fera plus sourire qu'autre chose ou Dr Dre dont le portrait sent tellement l'auto-congratulation que cela en devient hilarant. Tout ce qui concerne ses problèmes conjugaux est balayé d'un geste de la main, au contraire de ses rapports avec ses associés ou la découverte de talents. Au passage, si Keith Stanfield n'a strictement rien à voir physiquement comme vocalement avec Snoop Dogg, Marcc Rose paraît comme un pur sosie de 2Pac, au point de se demander si le rappeur de la West Coast n'est pas face à nous.

Il est bon de souligner également que le quintet bénéficie d'un casting soigné et parfaitement raccord avec leurs modèles. Pour ce qui est d'Ice Cube, il n'y a même pas à chercher midi à quatorze heure, Junior ressemblant trait pour trait à son paternel et jouant vraiment bien avec les mimiques de Papa Cube. Contrairement à 8 Mile de Curtis Hanson (2002), Straight Outta Compton  assume pleinement son statut de biopic, quitte à ne pas être objectif sur certains points. Outre l'aspect biopic inévitable (jeunesse des héros avant l'explosion médiatique; success story; séparation; les fêtes over the top...), F Gary Gray ancre bel et bien son film dans un contexte social évident. Les policiers cherchent les confrontations frontales avec les afro-américains (et pas forcément les protagonistes) au point de ne pas voir venir ce groupe dénonçant leurs méfaits au cours d'une chanson. La chanson Fuck tha police ne désigne pas tous les policiers, mais une minorité provoquant un lot d'injustices au cours des 80's-90's et dont l'agression de Rodney King fut le point d'orgue. En reprenant ce climat brûlant, le film tutoie l'actualité américaine avec fracas, à l'heure où un jeune s'est fait arrêté et molesté par des policiers pour n'avoir pas été sur un passage piéton! Une résonnance improbable faisant de Straight Outta Compton un reflet malheureux d'une réalité toujours bien présente. Le film de F Gary Gray devient en soi une oeuvre furieuse, montrant une époque pour faire réagir sur la nôtre sur des faits quasi-similaires (même si ce n'est pas son but initial). 

Un biopic qui enjolive parfois un peu trop son sujet d'étude, mais réussi à être passionnant dans sa success-story, son contexte et ses acteurs de qualité.

Comments

[2flicsamiami]

Je viens d'apprendre, en lisant ton article, que c'est F Gary Gray qui réalise ce biopic, chose que j'ignorais totalement. Il faut dire que la promotion met surtout l'accent sur la violence sociale dont le film se fait l'émissaire (il faut dire également que je me suis très peu intéressé au film).

Je soupçonne également que sa sortie s'est faite en réponse aux récents dérapages de la police envers la communauté afro-américaine. Un moyen comme un autre de prendre partie et de montrer que les choses ne changent jamais vraiment.



Toute fois, pas sûr que j'ai envie de découvrir ce film un jour, si ce n'est peut-être pour la prestation de Paul Giamatti.

[borat8]

Comme je le dis dans la critique on ne parle pas forcément de n'importe quel groupe de rap. Surtout le biopic évoque une époque qui malheureusement se reflète actuellement.

[arnaud291]

Petit méssage qui n'a rien à voir avec la chronique pour t'annoncer officiellement l'ouverture de mon nouveau blog : http://filmsandseries.canalblog.com/

[arnaud291]

N'étant pas un grand amateur de rap, ce biopic ne m'intéresse absolument pas.