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2 juin 2017

Quand The Rock prend le nom d'un personnage de Schwarzy...

2008. Le monde est en pleine troisième guerre mondiale. Recueilli par une star du porno, un acteur de film d'action est peut être le dernier sauveur de l'humanité...

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Voilà l'exemple typique du film qui n'aurait jamais dû être diffusé au Festival de Cannes, qui plus est en compétition. Adapté de son propre comic-book (comme Darren Aronofsky avec The Fountain, puis Noé), Richard Kelly se veut ambitieux avec Southland Tales (2006). Il est distribué par Universal, se paye un casting de têtes connues (The Rock, Sarah Michelle Gellar, Seann William Scott, Justin Timberlake, Mandy Moore, Bai Ling, John Larroquette, Holmes Osborne, Miranda Richardson, Amy Poehler et même Christophe Lambert !), 15 millions de dollars de budget (déjà 9 de plus que Donnie Darko), Moby à la musique... D'une durée initiale de 2h40, le film est projeté à Cannes lors de l'édition 2006 (la même où Da Vinci Code a servi d'ouverture, histoire de bien plomber l'ambiance), provoquant un raz-de-marée de critiques négatives. Tout auréolé qu'il était du statut culte de son premier film, Richard Kelly est victime en grande partie de l'attente du second film et ne s'attendait certainement pas à un tel retour de bâton. Universal délaisse le film au profit de droits internationaux, Sony reprend les rênes et lui impose de couper le film pour le sortir en salles aux USA en novembre 2007 (la version finale dure 2h24). Le film ne parviendra jamais à sortir en salles dans nos contrées, terminant en direct to video en mars 2009 chez Wild Side sous l'impulsion de Wild Bunch. 

Plus que The Box (2009) qui aura lui aussi du mal à sortir, Southland Tales a quasiment condamné la carrière de Richard Kelly, ce dernier accumulant depuis les projets sans jamais qu'un seul ne se produise. Aussi attachant ce film puisse t-il l'être (Kelly a vraiment de bonnes idées aussi bien visuelles que scénaristiques), il est victime d'un très grand nombre de défauts. Dans un premier temps, il est à l'image de son casting volumineux: choral. Cela implique une multiplication des sous-intrigues et comme beaucoup de réalisateurs dans ce type de situations, Kelly ne s'en sort pas du tout. Suivez bien, ça va déménager. (attention spoilers) Ainsi nous suivons un acteur de films d'action amnésique (The Rock) en relation gourmande et croquante avec une actrice de film pornographique cumulant aussi les statuts d'animatrice, vedette de téléréalité et vendeuse de boissons énergisantes (Sarah Michelle Gellar). Elle vend des images de ses ébats à une journaliste travaillant pour un groupe terroriste faire chanter le gouvernement, car l'acteur est marié à la fille d'un sénateur en campagne présidentielle (Moore). A cela se rajoute d'autres terroristes (dont Highlambert qui a encore mal à ses bijoux de famille) qui kidnappent des jumeaux (William Scott). L'occasion pour l'acteur de montrer une partition plus sérieuse et changeante, même si on regrettera un peu son monolithisme. Ensuite on a une employée du fameux sénateur tombant sur le script de l'acteur et décide de l'aider dans sa voie apocalyptique.

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A cela se rajoute une forme d'énergie renouvelable pouvant servir aussi bien de drogue que de carburant ou de tranquilisant. Le tout sous l'oeil d'un Justin Timberlake qui filme, narre et nous fait même un numéro musical complètement dingo à base d'infirmières et de budweiser ! Kelly part dans plein de direction, au point de perdre complètement son spectateur et de l'embrouiller. A l'image du final totalement grand-guignolesque et où on ne comprend plus vraiment ce qu'il se passe. Southland Tales se voulait ambitieux et en soi intéressant en montrant une société ricaine au bord du gouffre, prête à s'embraser. Une tendance pré-crise économique pour le moins intéressante et évoquant par la même occasion les conséquences du terrorisme post-11/09 sur le sol américain. D'autant que pour le coup ce ne sont pas des islamistes étrangers, mais des américains qui s'attaquent à leur propre pays, lui-même loin d'être reluisant. Malheureusement, le film reste toujours à la surface sans convaincre réellement. D'autant que le film est particulièrement long et parfois ennuyeux. (fin des spoilers) Pour ce qui est de la réalisation, Kelly confirme le savoir-faire acquis sur Donnie Darko, signant un film au moins beau dont la musique de Moby ajoute à l'envoûtement. 

Southland Tales : photo Dwayne Johnson, Richard Kelly, Sarah Michelle Gellar 

Un film au potentiel énorme, mais qui se plante à vouloir trop en faire et à aligner trop de points de vue.


La révision de Borat #6

Comme évoqué plus haut, Southland Tales est un film difficile à saisir, bien plus que Donnie Darko. La seconde vision paraît déjà plus claire aux yeux du spectateur et la distance entre les deux visions (près de cinq ans pour votre interlocuteur) peut peut être aider à la perception. Le commentaire audio de son réalisateur (disponible sur le BR et le DVD) s'avère une clé quasiment indispensable à la compréhension, ce qui peut s'avérer rapidement être un problème. Bien que Southland Tales une fois décodé (ou tout du moins un peu plus précis) se savoure beaucoup mieux et s'impose finalement comme un bon film (mais on y reviendra), il ne se suffit pas à lui-même. Comme le suggère Kelly et comme le sait peut être le spectateur, Southland Tales est une oeuvre double. D'un côté, trois chapitres de bande-dessinée publiés entre mai 2006 et janvier 2007; de l'autre, les trois chapitres suivants sous forme de film. C'est là aussi où l'on peut comprendre son bashing à Cannes en 2006, mais aussi sa distribution catastrophique. Le film s'est finalement vendu comme un film unique alors qu'il lui manque sa pièce maîtresse: le début! Ainsi, Kelly parle de son oeuvre sans savoir par exemple qu'en France son comic-book n'a jamais été publié. 

Southland Tales : photo Richard Kelly

C'est là où l'on voit la différence entre les deux premiers films de Kelly. Donnie Darko était un premier film énigmatique, compliqué, mais qui se suffisait à lui-même. Il n'y avait pas besoin de lire à droite et à gauche des analyses diverses ou comme ici d'écouter un commentaire-audio pour voir et comprendre certaines choses. Il suffit juste parfois de revoir un film encore et encore et comprendre où le réalisateur veut nous emmener. En revanche, Southland Tales devient un peu plus intéressant une fois que son réalisateur a donné les bonnes clés (en l'occurrence des informations sur la bande-dessinée). Si vous ne les avez pas, certains aspects seront totalement zappés dans le film, puisqu'en quelques sortes le film commence alors que l'action existe déjà et sans que le spectateur néophyte soit au courant. (attention spoilers) Le personnage de Justin Timberlake est une évidence à ce propos. Pilot Abilene est le narrateur du film. Il dit lors de ses dernières répliques qu'il est un ami de Roland Taverner (William Scott) et il est souvent présent à la télévision pour des interviews. En soi, le personnage est là pour diverses scènes spécifiques, dont un trip monumental sur du The Killers (All these things that i've done, 2004). Une scène dézinguant tout un idéal des USA avec la Budweiser ouverte, bu et vite balancé, mais aussi de jolies demoiselles aux couleurs des USA. D'une certaine façon, Kelly montre que les idéaux de son personnage sont totalement parties et laissent place à l'ivresse et aux plaisirs artificiels. 

Une manière comme une autre de confirmer l'influence de Philip K Dick sur le film, notamment envers A scanner darkly (1977) dont l'adaptation de Richard Linklater était ironiquement diffusé à Cannes la même année. Le personnage tue un des personnages clés en semblant à la solde du gouvernement en place, mais en soi l'information n'est pas claire. Dans le commentaire audio, Kelly peut alors évoquer le personnage plus longuement, expliquant bien des éléments. En fait, Pilot est un acteur qui a été embarqué dans la IIIème Guerre Mondiale. Taverner était son ami et sous l'effet du fluide karma (cette fameuse énergie provenant du centre de la Terre), il l'a défiguré. C'est à partir de là qu'ils se sont perdus de vue et c'est pour cela que Pilot l'évoque au passé. Son statut d'acteur, qui plus est victime de la guerre, explique alors sa médiatisation un brin surréaliste, mais aussi son importance dans le récit. De la même manière, le personnage de Lou Taylor Pucci se retrouve dans un rôle quasi-similaire, version jeune et moins célèbre de Pilot. L'homme qui ne veut pas partir à la guerre, mais qu'on oblige à y aller à cause de l'effort de guerre. Tout comme le fait que le gouvernement n'a pas de scrupule en engageant un vétéran pour jouer les snipers

Southland Tales : Photo Justin Timberlake, Richard Kelly

Ce sont des éléments importants, qui plus est une critique virulente de l'effort de guerre et des désastres effectués sur les jeunes générations, qui est finalement abstraite dans le film car jamais évoquée réellement. Ce ne sont que des éléments invisibles pour le spectateur s'il n'a pas lu le livre. Le spectateur ne peut pas savoir ce qu'on ne lui montre pas. Dans une moindre mesure, les personnages de Christophe Lambert et Amy Poehler sont père et fille, élément totalement invisible du métrage. Kelly évoque aussi certains éléments qui ont été coupé ou rajouté de la version cannoise. La séquence d'ouverture a été réalisé pour amener plus de clarté aux néophytes et pour mieux contextualiser le récit. On ne l'en remerciera jamais assez. D'ailleurs la réalisation même de cette scène récapitulative n'est pas sans rappeler celle de Starship Troopers (Paul Verhoeven, 1997), avançant de sujet en sujet par le biais d'archives web. Un personnage, chef militaire joué par Janeane Garofalo, est par la même occasion évincée totalement du montage cinéma et n'apparaît finalement que dans un seul plan aux côtés de Justin Timberlake en fin de film. Ses scènes étaient souvent en rapport avec le personnage de Kevin Smith qui apparaît finalement plus tôt que dans le montage cinéma. L'air de rien, Southland Tales a des arguments pour lui mais malheureusement ils sont parfois abstraits. 

Mais une fois la contextualisation effectuée, le film est finalement assez bon. C'est juste que sa manière de le faire n'est pas adéquate. A l'heure où Donald Trump commence déjà son joli bordel à la Maison Blanche et où le terrorisme est de plus en plus présent dans notre quotidien, il est intéressant de revenir à Southland Tales. Un peu comme Idiocracy (Mike Judge, 2007) dans des domaines parfois similaires (l'écologie parasité, le président américain aux moeurs identiques au personnage de Sarah Michelle Gellar), le film de Richard Kelly offre un portrait peu flatteur et même un brin prophétique des USA. S'il est moins subtil qu'un Strange days (Kathryn Bigelow, 1995) par exemple à l'image de cette publicité où une voiture baise avec une voiture, il se révèle assez pertinent quand il s'attaque à la politique. La IIIème Guerre Mondiale a été déclenché par une attaque nucléaire, le tout filmé par des enfants en pleine fête d'anniversaire. On ne peut pas faire plus glauque et Kelly convoque le temps de cette scène les fantômes du 11 septembre 2001. Il insiste aussi sur le fait que le quotidien peut devenir l'enfer d'un moment à l'autre, tout en confirmant une chose que l'on verra de plus en plus jusqu'à il y a quelques semaines: l'acte terroriste n'est pas forcément arabe, mais peut aussi venir d'un citoyen du pays en question. 

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Les actes terroristes présents dans le film viennent tous de citoyens américains, montrant l'anarchie provoquée et engendrée par une guerre sans aucun sens. Tout comme Joe Dante avec Vote ou crève (2005), Kelly s'en prend directement à la Guerre en Irak, tout en suggérant un conflit plus global. Par la même occasion, il montre que le gouvernement américain saborde l'environnement avec le fluide Karma, dérèglant la planète sans s'en rendre compte. Une catastrophe écologique qui n'est pas sans rappeler les événements de cette semaine au sujet du président Trump. Une catastrophe qui est au centre même du récit, puisque les personnages de The Rock et Seann William Scott sont directement impliqués sans le vouloir dans ce désastre, chacun ayant eu une partie de soi dédoublé (Scott) ou tué (The Rock). Ce qui entraîne des troubles du comportement comme l'amnésie ou des tocs. Deux personnages qui mènent vers l'apocalypse ou tout du moins une certaine vision ( Là où le film frappe fort c'est aussi dans l'omniprésence de la surveillance. Le gouvernement pourrait se prendre pour Big Brother que ce serait identique et quand cela commence à devenir problèmatique, un sniper sera toujours là pour le tuer. Southland Tales est un film qui fait assez peur dans l'ensemble, car il touchait lors de sa création à des choses en apparence éloignées. 

Onze ans plus tard, elles n'en sont que plus d'actualité. La planète n'a jamais été aussi pollué, le terrorisme est omniprésent et la surveillance des agences gouvernementales américaines posent de plus en plus problèmes. Alors si à ce niveau, on peut aussi rajouter des politiques et industriels corrompus jusqu'à la moelle et croyant faire le bien, on peut désormais déclencher l'apocalypse. Le nom du personnage de The Rock n'a d'ailleurs pas été choisi au hasard, tout comme le scénario qu'il a écrit avec la star du porno. Une histoire d'apocalypse et le nom du personnage principal de La fin des temps (Peter Hyams, 1999), film sur la venue du diable pour l'an 2000. En sachant qu'Arnie avait passé le flambeau à The Rock dans Bienvenue dans la jungle (Peter Berg, 2003), on ne pouvait pas faire plus cocasse. (fin des spoilers) Il y a encore des problèmes de rythme dans Southland Tales (2h20 tout de même), mais il y a ce quelque chose qui le rend attachant et un fond qui ne demande parfois qu'un peu plus d'exposition pour exploser. Il n'en reste pas moins un film intéressant, souvent pertinent et abordant certains sujets avec une intelligence bienvenue. 


Article initialement publié le 21 septembre 2012.

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Commentaires
B
Tu la trouveras dans la seconde partie. ;)<br /> <br /> http://nicoc.canalblog.com/archives/2017/02/10/34885806.html
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A
rien à voir avec l'article, mais peux tu me donner un lien qui mène vers la chronique de Grave ?
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P
Chouette chronique sire Borat. On finit par se rejoindre autour de ce film littéralement décalé, et que j'ai pour ma part trouvé passionnant et, comme tu l'as très bien noté, visionnaire. <br /> <br /> Bien sûr, son accès est rendu particulièrement ardu de par le goût de l'absurde dont Kelly faisait déjà preuve dès "Donnie Darko". Beaucoup plus audacieux dans sa forme (je te suis complètement quand tu le rapproches de "A scanner Darkly", et j'ajouterai une dose de non-sens à la Quentin Dupieux), il m'avait fait forte impression. Je crois que c'est un film qui gagne à être revu.
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B
Comme expliquer dans l'article, le problème de Southland tales est qu'il repose sur un livre. Or aux USA il n'était même pas publié quand le film est passé à Cannes. Le film manque de contextualisation car il est finalement la suite d'un livre.
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A
j'avoue ne pas avoir du tout accroché à Southland Tales mais le film nécessite probablement un 2nd visionnage
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